BAIGNADES

10 décembre 2025

Roman de

Andrée A. MICHAUD

Édité chez

Rivages

Date de sortie
20 août 2025
Genre
Roman noir
Pays de l'auteur
Canada
Avis

Dans l’univers d’Andrée A. Michaud, le mal surgit rarement avec fracas. Il se faufile dans les interstices du quotidien, au détour d’un geste anodin, d’une parole malheureuse, et « Baignades » en est la démonstration éclatante.

L’auteure nous offre en effet un roman à la tension ininterrompue, où une simple journée d’été au bord d’un lac se mue en un véritable cauchemar.

L’histoire commence avec Max, Laurence et leur petite Charlie qui arrivent au Lac aux Oies, portés par la promesse simple et presque naïve de vacances heureuses. Le décor a la douceur des jours paisibles, avec cette eau calme, cette forêt dense et magnifique qui absorbe les bruits du monde.

Mais cette quiétude estivale ne dure qu’un instant, car tout se grippe en quelques minutes par l’intervention brutale du responsable du camping, agacé par l’innocence d’une enfant qui se baigne nue dans l’eau, et qui va déclencher une onde qui ne cessera plus de s’élargir.

La suite se déroule avec une logique brutale et implacable. Une soirée entre voisins, un mot de travers, la colère d’un père qui déborde, puis ce départ nocturne sous la pluie qui transforme une simple dispute en chute libre.

Dans l’obscurité d’une forêt québécoise détrempée, le couple va s’enfoncer autant dans la boue que dans la tragédie.

Andrée Michaud resserre alors son récit jusqu’à l’étouffement avec une écriture qui claque, nerveuse, vibrante de colère et de peur. Le lecteur se retrouve piégé dans la même urgence que les personnages, happé par la vitesse des événements.

Puis le roman glisse vers autre chose.

Quatre ans ont passé et le décor a changé. Certains des personnages se retrouvent au bord d’un autre lac, pour un repas de famille.

L’atmosphère semble plus légère. Pourtant le calme a quelque chose d’incertain. Les gestes et les conversations sont amicales, mais une légère retenue traverse les échanges.

Sous l’apparente normalité, Andrée Michaud installe une tension nouvelle, moins violente, plus insidieuse.

Les silences durent un souffle de trop et les réponses arrivent avec une prudence qui étonne et qui vont finir par instiller le doute qui, à terme, ébranlera l’harmonie affichée.

Andrée Michaud observe avec précision ces lenteurs, ces hésitations, ces petites déviations qui trahissent ce que chacun tente encore de contenir.

La forêt, le lac, la lumière d’été, tout ce qui devrait apaiser prend une coloration étrange, comme si le paysage lui-même retenait son souffle.

On passe d’un thriller nocturne et captivant à une étude des blessures intimes, de ce qui demeure après la catastrophe.

Dans cette seconde moitié, Andrée Michaud explore donc ce territoire délicat qu’est l’après. Elle montre ce que la peur laisse derrière elle, ce que la honte étouffe, ce que la mémoire transforme. Le drame initial paraît lointain, mais il continue d’habiter les gestes et les mots, comme une cicatrice qui refuse de se refermer.

La tension ne s’exprime plus par l’action mais par l’attente, par le doute, la suspicion, et par cette impression que le vernis peut céder sans prévenir.

Et c’est ce qui finira par advenir à mesure que le malaise va s’installer et l’ambiance devenir de plus en plus insoutenable.

Car à mesure que les heures passent, on sent que quelque chose se resserre.

Rien de spectaculaire. Rien de brusque. Un glissement presque imperceptible, guidé par une écriture qui avance en douceur tout en maintenant la menace à hauteur de regard.

Andrée Michaud ne force rien. Elle laisse simplement l’atmosphère se charger, les relations se tendre, les non-dits s’épaissir.

Le lecteur comprend alors que la pente est déjà prise. Il avance en connaissance de cause, chaque page confirme cette impression d’approcher un point de rupture que personne ne parvient à éviter.

Le drame se rapproche dans le silence, porté par cette tension qui se déploie sans hâte, comme un fil invisible qui se tend jusqu’à l’extrême.

Quand il surgit enfin, il apparaît presque naturel, conséquence directe de tout ce qui s’est accumulé. Un dénouement inéluctable, qui laisse une sensation de vertige et rappelle que chez Andrée Michaud la tragédie se construit à pas lents, jusqu’à ce qu’il ne soit plus possible de faire demi-tour.

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