MATADOR

16 janvier 2022

Roman de

Frédéric BERTIN-DENIS

Édité chez

Lajouanie

Date de sortie
19 mars 2021
Genre
Policier
Pays de l'auteur
France

Avec un titre comme celui-ci, vous aurez vite compris que c’est en Espagne que vous invite Frédéric Bertin Denis, et plus particulièrement pour y côtoyer le monde très spécifique de la tauromachie.

Précisons tout de suite pour les lecteurs qui auraient des idées bien arrêtées sur le sujet, que l’auteur n‘ambitionne nullement à travers son texte, de faire l’apologie de cet art parfois décrié, même s’il est clair qu’il en a une connaissance assez fine et qu’il en maîtrise tous les rituels.

Non, son but est simplement de s’en servir comme écrin et point d’appui à une histoire de crimes et de folie.

Mark Adlington

Il s’appelle Jésus de la Vega. Il est adulé par tout ce que l’Espagne compte d’aficionados. Toréro de génie il surclasse et de loin, tous ses collègues.

Et sa prestation à Séville en ce 1er mai restera longtemps dans les annales, tant son talent ce jour-là le hissa au firmament de son art, éblouissant par sa dextérité et sa grâce une assistance médusée.

Il obtiendra même d’être porté en triomphe par ses Compañeros pour franchir la puerta grande, marque ultime de son avènement !

Gloire, richesse, beauté,tout ce qu’un homme rêve d’avoir, Jésus de la Vega l’a eu en peu de temps.

Comment dès lors mettre du sel et de l’exaltation dans sa vie quand on a tout conquis ?

Jésus de la Vega s’est bien sûr posé la question, et il a rapidement trouvé une réponse singulière à cette question. Après avoir atteint les astres dans son habit de lumière, il ambitionne de ressentir la force et la puissance du taureau en se transcendant en cet animal mythique. L’humain deviendra son adversaire.

Manuel El Gordo est un inspecteur-chef de la police de Séville qui n’est pas en odeur de sainteté auprès de son supérieur, surtout depuis son coup d’éclat où il a abattu un malfrat sans coup férir.

Pourtant c’est lui qui se retrouve à enquêter sur la mort d’une femme découverte dans un appartement. L’homicide ne fait aucun doute.

Gabriela Slegrova

Sur un lit imbibé de son sang, la victime est ligotée, avec une brûlure étrange sur l’une de ses fesses qui s’avèrera plus tard être un marquage au fer.

Sur place, Remedio Morena, une médecin légiste, lui fait part de ses premières constatations.

Les indices sont minces. Les lieux ont été parfaitement nettoyés. Tout juste l’idée que la jeune femme a été assassinée à l’aide d’une arme contondante, particulièrement bien aiguisée.

L’inspecteur apprécie beaucoup Rémedio. Outre le fait que c’est une belle femme, c’est aussi une très grande professionnelle. Entre eux le courant passe, les conduisant à se revoir, pour l’enquête, et un peu plus que cela, puisqu’une idylle finira par se faire jour.

Un matin alors que Manuel allume la télé, il apprend qu’un meurtre a été commis à Barcelone.

Un crime comme il en arrive régulièrement dans les grandes villes d’Espagne et d’ailleurs. Mais celui-ci met en alerte les sens du limier, car la victime a été tuée par une arme blanche, grâce à un coup porté entre les cervicales. Exactement comme dans l’affaire sur laquelle il enquête.

Or il se trouve qu’il connait bien l’inspecteur en charge de cette seconde affaire. Aussi, a-t-il tôt fait de prendre lien avec Fernando Puig Antich, et c’est ensemble qu’ils vont mener les investigations pour débusquer ce tueur qui reste insaisissable.

On va donc suivre ces deux compères remonter tant bien que mal sa piste, tandis que l’assassin laisse des victimes derrière lui et couche sur un journal intime ses exploits meurtriers.

« Matador » alterne le bon et le moins bon.

L’idée en soi est originale, un torero qui rêve de se muer en animal sauvage, de sentir le sang de celui-ci bouillir dans ses veines, sa puissance dans ses muscles pour livrer combat au matador, à l’Homme…

Il y a bien ce vieux rêve de comprendre le toro bravo de l’intérieur. Vivre comme lui, libre, fougueux, sans tabou, violent…Jouer avec le torero, essayer de l’atteindre, ruser… Provoquer, feinter, foncer et ….tuer ! Devenir le toro parfait…joli défi .

Et nous assistons lentement à cette évolution au fil des meurtres pour aboutir à un final logique, mais original. Le tueur allant jusqu’au bout de son expérience.

Mais peut-on parler véritablement d’adversaires et de combats comme le dit le criminel dans son journal intime quand la première victime et ligotée sur son lit, incapable de se défendre, que les suivantes sont prises par surprise et se retrouvent démunies face à un homme équipé d’une arme blanche ?

Dans l’arène le taureau peut compter sur sa force et sa ruse, il sait que c’est un duel à mort qu’il livre. La plupart des victimes de l’assassin ne réalisent pas ce qu’il se passe. C’est un aspect de l’histoire qui m’a un peu dérangé.

Même si l’auteur a cherché à donner de l’épaisseur à ses deux policiers, je n’ai pas eu de véritable empathie pour eux.Je me suis même un peu agacé à les voir s’entêter à explorer trop longtemps une piste qui allait s’avérer fausse.

Néanmoins si j’ai trouvé les deux personnages policiers assez classiques, la mère du tueur, elle, ne passe pas inaperçue ! Insatiable nymphomane qui se fait entretenir par son rejeton, et qui, quand elle se retrouve à court d’argent, débarque dans la vie de son fils comme une boule dans un jeu de quilles, elle détonne dans le décors et ses apparitions sont assez truculentes !

Par ailleurs,« Matador » c’est aussi pour le lecteur, l’occasion d’en apprendre beaucoup sur l’univers de la tauromachie. L’auteur fait grand usage du vocabulaire propre à cette culture, et nombreux sont les renvois en bas de page pour vous donner la définition de tel ou tel terme. Instructif pour un néophyte comme moi.

Au final, un roman original dans sa thématique, un peu linéaire dans sa construction, mais pas déplaisant à lire loin s’en faut, et qui vous emmènera de l’Andalousie à la Catalogne, en passant par le Pays basque espagnol et vous fera découvrir un monde que l’on a pas trop l’habitude de côtoyer dans la littérature policière.

4 Commentaires

  1. Frédéric Bertin-Denis

    Merci Bruno pour ce retour. Juste une petite remarque, le toro dans l’arène ne sait pas qu’il lutte à mort. Seul son instinct d’animal sauvage le pousse à combattre. Il n’a ni ruse, ni calcul. Seule la méconnaissance du « jeu » par le toro permet au matador de l’emporter. En effet, très vite l’animal apprend que derrière la « capote » il y a celui qui le blesse. Ainsi un toro, même d’entraînement, ne combat qu’une fois, sinon l’homme n’a aucune chance de s’en tirer.
    Encore merci pour ta chronique bienveillante et j’espère que les lecteurs me pardonneront les quelques maladresses d’un premier roman. Amitiés.

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    • La petite souris

      Bonsoir Frédéric, merci pour ces précisions qui ne manqueront pas d’intéresser les lecteurs de la chronique. Merci aussi d’avoir joué le jeu et d’accepter mon point de vue, c’est tout à ton honneur. Mon avis n’engage bien sûr que moi, il reflète ce que j’ai ressenti. Ce n’est pas un  » jeu » facile surtout quand on y a mis beaucoup de soi dans les mots que l’on couche sur la page blanche d’un futur roman, mais l’accepter c’est être sûr d’avancer. C’est à cela que l’on reconnait les vrais auteurs. Enfin pour moi . Amitiès

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      • Frédéric Bertin-Denis

        Bonjour Bruno,
        C’est la moindre des chose d’accepter la critique qu’elle soit bonne ou moins bonne ! J’espère simplement que tu auras envie de lire mes autres romans parus après celui-la. Pour Viva la muerte ! il faudra attendre une éventuelle réédition, mais j’attends ton retour sur 7 milliards de jurés ? (3ème aventure d’El Gordete). Quand tu auras le temps bien entendu ! Encore merci pour ton travail de passeur et d’insatiable lecteur de polars. Amitiés

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        • La petite souris

          Ne t’inquiète pas Frédéric je lirai  » 7 milliards de jurés » et je t’en ferai un retour. Mais soit patient parceque là en ce moment je suis méchamment overbooké côté planning de lecture, il il s’en rajoute tous les jours, je naurai pas assez d’une vie pour tout lire ! Mais tu es quelqu’un que j’apprécie alors ya pas de lézard rassure toi ! 🙂

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