TERRES PROMISES

14 juin 2025

Roman de

Bénédicte DUPRÉ LA TOUR

Édité chez

Du Panseur

Date de sortie
22 août 2024
Genre
Western
Pays de l'auteur
France
Avis

Il est bon parfois de quitter sa zone de confort et se risquer à lire de temps en temps quelque chose de différent. L’occasion découvrir une maison d’édition qu’on a peu fréquenté jusqu’ici , ou un auteur qui vous livre son premier travail.

S’il peut arriver que l’on en sorte déçu, parfois la magie opère et vous voilà embarqué et séduit par un écrivain qui ne demande qu’à vous faire découvrir son univers.

@mike-fox

Terres Promises, premier roman de Bénédicte Dupré la Tour, fait partie de ces textes qui bousculent les codes d’un genre que l’on croyait figé.

Loin des westerns codifiés, loin du pittoresque folklorique des grands espaces, elle nous offre un récit choral qui dépouille la conquête de l’Ouest de ses oripeaux héroïques pour mieux en révéler la fange. Celle des corps épuisés, des esprits broyés et des illusions piétinées.

Dans une construction maîtrisée où se succèdent sept récits et six lettres, l’autrice donne voix à des figures marginales, souvent réduites au silence dans l’imaginaire collectif.

Prostituée, orpailleur solitaire, pisteur indigène, infirmière au bord de la folie, jeune femme exploitée par un père tout-puissant… chaque protagoniste incarne une facette du drame collectif qui se joue en toile de fond , celui de la violence fondatrice de cette Amérique en devenir.

Et en filigrane, une huitième voix, celle d’Eliott Burns, condamné à mort, qui tisse par ses lettres un fil rouge tragique et bouleversant, entre reproches, amour et aveux, apportant à l’ensemble une tension sourde, presque incantatoire.

Dupré la Tour ne se contente pas d’enchaîner des portraits. Elle compose une fresque, où les récits se répondent, s’imbriquent subtilement, et gagnent en intensité à mesure que les destins se dévoilent.

Les personnages se croisent, parfois brièvement, parfois de manière plus conséquente, mais jamais gratuitement. Chaque histoire, pourtant autonome, vient nourrir la suivante, et c’est dans cette architecture spiralaire que le texte puise sa puissance.

Ce n’est pas une galerie de destins épars, c’est un monde en ruine où chaque brique est solidaire des autres.Il n’est plus question ici de cow-boys ou d’Indiens, de saloons ou de duels au soleil, mais de vachers, d’indigènes, de tripots.

Une volonté manifeste d’en finir avec les stéréotypes pour révéler une vérité plus âpre, plus universelle. La ruée vers l’or, moteur du récit, n’est ici qu’un prétexte.

Ce qui est en jeu, c’est l’avidité humaine, la façon dont le rêve de liberté se transforme en cauchemar d’asservissement.

@drei-kubik

Le western est par essence un monde d’hommes. Dans «  Terres promises », Bénédicte Dupré la Tour place les femmes au cœur de son roman.

Eleanor, la prostituée qui tente de reprendre le contrôle de son corps, Kinta, l’indigène qui s’émancipe de son clan ,Rebecca, la jeune pionnière brisée par les traditions patriarcales… Toutes expriment, à leur manière, les multiples formes de violence exercées sur les femmes qu’elles soient physiques, sexuelles, ou sociales.

Mais ces femmes sont aussi des résistantes, même lorsque leur révolte échoue. Elles cherchent à se tenir debout, coûte que coûte, dans un monde qui ne leur laisse guère d’espace pour exister.

Bénédicte Dupré la Tour sait user de la métaphore pour dire l’indicible, sans jamais en atténuer la douleur.

L’auteur à cette capacité à décrire la violence sans fard, tout en lui conférant une profondeur presque mystique.

En reléguant au second plan les conquérants pour se concentrer sur les éclopés, les asservis, les laissés-pour-compte, Bénédicte Dupré la Tour renverse le regard.

Elle porte la lumière sur cette frange d’humanité cabossée, piégée dans ses contradictions, mais vibrante.

Finalement, ces “terres promises” ne le sont pour personne. Le rêve s’effondre sous le poids des désillusions, des conquêtes sanglantes et des corps mutilés.

Mais de ce désastre émerge une voix littéraire singulière, qui mérite pleinement l’attention.

Ce premier roman percute le lecteur, le dérange, le pousse à repenser ce que l’on croyait savoir. Il faut oser s’y aventurer.

Car même dans la boue, même dans l’ombre, il arrive qu’un éclat surgisse. Et Terres Promises en est un.

ACQUISITION: LIBRAIRIE

 

 

 

 

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