Nous avions découvert Pierre-Yves Touzot à la parution du premier opus de sa trilogie “Oldforest”, un thriller captivant, aux multiples rebondissements, mêlant aventure et fantastique sur fond de paysages canadiens sauvages.

Le deuxième tome, récemment paru, s’ouvre comme un printemps après un long hiver. La neige a fondu, la forêt reprend vie. Les chemins redevenus praticables attirent de nouveau touristes et curieux, et avec eux renaissent les tensions.

L’atmosphère d’isolement glacé du premier volume cède la place à une lumière plus vive. Mais cette clarté ne dissipe pas le mystère. Elle en révèle d’autres, enfouis sous la surface du parc, dans les consciences comme

@fethi-benattallah

dans les racines d’Oldforest.

Au cœur du roman, on retrouve Déborah. C’est elle qui porte désormais le poids du secret, mais aussi celui du choix. Depuis la disparition d’Anton, la jeune femme se tient à la croisée des tensions qui divisent la communauté. Certains veulent révéler les secrets d’Oldforest. D’autres préfèrent continuer à les taire. Entre ces deux élans contraires, Déborah devient la conscience du groupe, celle qui doute, vacille, interroge.

Loin de toute surenchère, Pierre-Yves Touzot privilégie la tension intérieure à l’action spectaculaire, même si celle-ci n’est pas totalement absente du roman.

Un nouveau personnage fait alors son entrée, Adama. Énigmatique, magnétique, ce dernier va relancer l’intrigue sans jamais la déséquilibrer.  On devine qu’il détient une part de la vérité, mais le romancier joue avec cette incertitude, refusant toute explication prématurée.

Sa présence agit comme un révélateur, faisant émerger ce que chacun tentait de dissimuler. Cette part d’ombre venue du dehors met à nu la communauté et son rapport ambigu à la vérité.

L’écriture demeure fidèle à la précision visuelle du premier tome, tout en gagnant en profondeur émotionnelle. Le réalisateur se devine encore derrière l’écrivain. Chaque scène est découpée avec soin, cadrée dans une lumière mouvante qui confère au récit une dimension cinématographique. Mais cette fois, le regard se fait plus intérieur. Le texte s’ouvre à la fragilité, à la nostalgie, à la peur sourde de perdre ce lien mystérieux entre l’humain et la forêt.

Oldforest reste le véritable cœur du récit. Vivante, réactive, presque consciente, elle s’impose comme une gardienne autant qu’une menace. Elle détient ce que les hommes veulent révéler, sans qu’ils en mesurent les conséquences. La frontière entre le réel et le fantastique demeure ténue, à peine un souffle, une vibration, une présence. Pierre-Yves Touzot maintient un équilibre subtil entre tension dramatique et mystère latent.

Dans ce deuxième tome, Déborah, confrontée à des choix qui dépassent sa volonté, devient le point d’équilibre entre le visible et l’invisible, entre la fidélité au groupe et la quête de vérité. À la fois témoin et actrice, elle incarne l’âme fragile d’un monde sur le point de basculer.

La tension finale, toute en retenue, laisse présager un dernier acte plus ample, sans rien sacrifier de l’élégance qui caractérise la plume de Pierre-Yves Touzot. « Les secrets d’Oldforest » confirme la singularité de cette trilogie. Un récit où le suspense s’écrit à la lisière du réel, où la nature n’est pas un décor mais une force, et où le mystère, au lieu d’être levé, se déplace, comme une brume qu’on croyait évanouie et qui revient envelopper le lecteur.

Maintenir un lecteur en haleine sur trois volumes n’est pas chose aisée. Pierre-Yves Touzot parvient à distiller la vérité par petites touches et à nourrir l’impatience grandissante de celui-ci pour découvrir ce qui se cache réellement dans cette forêt.

C’est admirablement construit, redoutablement efficace, bien loin des thrillers sanguinolents dont on nous abreuve le plus souvent. Nul doute que ceux qui auront eu plaisir à s’aventurer au fil des deux premiers tomes auront envie de s’engager dans le dernier opus, pour en mesurer toute la portée finale.

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