Vous en avez sans doute assez des contraintes imposées depuis deux ans maintenant que nous sommes aux prises avec le covid 19.
Confinement, vaccination, passe sanitaire, fermeture des établissements, télétravail, port du masque obligatoire, etc. Des mesures qui ne cessent d’évoluer au gré de l’intensité de la pandémie. Une situation difficile à vivre.
Mais que diriez-vous alors, si vous étiez dans la France de Didier Martin, petit comptable de son état, marié à Karine, père d’un adolescent forcément rebelle, et qui vit enfermé dans son appartement depuis des mois avec sa famille, son chien et ses poissons exotiques, sans avoir le droit de le quitter , ne serait-ce que pour prendre l’air.
Car cette France-là, comme le reste du monde d’ailleurs, ne s’en sort plus des virus et de leurs variants qui pullulent à la surface de la Terre. Les vaccinations succèdent aux vaccinations, mais rien n’y fait, chaque jour une nouvelle saloperie surgit et se répand à travers le globe.
Alors on vit confinés, alternant entre IGT (Isolement Général Total) et IGP (Isolement Général Partiel). Cela fait maintenant trois ans que cela dur, sans véritable perspective d’amélioration. Tout juste espère-t-on repasser en IGP pour souffler un temps.
Heureusement l’État a pris les choses en main. Les gens reçoivent régulièrement ce dont ils ont besoin pour se nourrir par drone. Des drones qui par ailleurs patrouillent pour repérer les contestataires ou les individus qui enfreignent les règles imposées.
Ce n’est pas le cas de Didier Martin, ou alors juste un peu, une fenêtre entrouverte d’un ou deux centimètres seulement, pour sentir l’air sur sa peau, mais pas plus, sinon cela finirait mal pour lui.
Lui fait confiance à l’état pour préserver la société. Et il faut bien des règles strictes si on veut avoir une chance de sortir de cet enfer non ?
Alors il les respecte à la lettre, écoutant à la radio les nouvelles mesures gouvernementales et leur évolution en même temps que le nombre de morts et les prévisions de décès pour les semaines à venir.
Chaque jour il envoie sa Fiche Journalière de présence, remplit son journal d’isolement sur Rezo, (non sans suivre les consignes des autorités qui contrôlent ses écrits) aide son fils en rédigeant ses devoirs à sa place.
Mais sa vie quotidienne ce n’est pas vraiment sur Rezo qu’il la relate, mais sur les murs de son appartement, sur toutes les surfaces susceptibles de porter ses mots qu’il dépose au feutre sur les cloisons, les tables, les portes, et les objets qui l’entourent. Il couche de manière linéaire et continue cette vie devenue immobile dans ce monde auquel lui et ses congénères ne participent plus.
Le lecteur court sur ses lignes sans fin, remonte le fil de son histoire, de cette existence monotone et paramétrée dans tous ses aspects, où tout relief a été raboté. Une routine aseptisée et mécanique.
Dans cette normalité on finit par s’interroger sur cet individu qui monopolise le discours, un homme caractérisé par une froideur psychologique qui interpelle et inquiéte.
Dans cette famille cloitrée dans son appartement, où sont les sentiments ? Où sont les émotions ? Cette envie de vivre qui devrait pousser au cri, à la révolte ?
Quelque chose cloche.
Dans un contexte où l’épidémie de Covid repart pour une cinquième vague, Olivier Bordeçarre nous donne à voir une France qui, prise dans une situation sanitaire similaire, fait particulièrement froid dans le dos.
Une société calfeutrée, bunkerisée, où les libertés sont réduites à hache, à commencer par la liberté expression, où les « résidants » se voient livrer quotidiennement la même nourriture, boîtes de pois chiches et de thon, ainsi que leurs doses de médicaments, comme on nourrit et soigne de la volaille en batterie.
L’état est partout, devenu répressif il contrôle tout, et s’immisce dans la vie privée des gens.
À partir de cette histoire cauchemardesque qui s’inspire pour partie de notre réalité actuelle, Olivier Bordaçarre nous donne à réfléchir sur l’isolement, le repli sur soi et ses conséquences.
Mais il pose aussi une terrible question : Jusqu’à quel point sommes-nous prêts à concéder sur nos droits les plus élémentaires, nos libertés les plus fondamentales pour voir garantir notre sécurité ? Leur restriction en temps de crise doit-elle devenir la norme ?
Certains verront dans le texte d’OlivIer Bordaçarre, un polar d’anticipation. Sans doute. Mais à bien y réfléchir, dans cette France d’aujourd’hui qui s’apprête dans quelques mois à se choisir un destin, où nous vivons une dérive sécuritaire dans les propos et parfois dans les faits, ce questionnement est on ne peut plus d’actualité !
« Appartement 816 » est donc un roman qui dérange et pousse à s’interroger. C’est sans doute un des bouquins des plus étranges et des plus troublants qu’il m’ait été donné de lire cette année.
Et j’avoue que je ne regrette pas cette virée dans cette France malade, même si elle n’a rien de rassurant !
ACQUISITION: SERVICE PRESSE
Rassure nous car tu nous manque Bruno !!!!! sans tes parutions de DECEMBRE
Robert
Pas d’inquiétude Robert, en décembre je ne publie jamais de nouveautés à paraître car il y en a très très peu. 😉 on se retrouve vite en janvier. En attendant je continue mes chroniques 😉