Il existe des villages où la mort a pris l’habitude de rôder, où l’on croise plus de fantômes que de vivants. Balanegra est de ceux-là.
C’est là que Coveiro, ancien tueur à gages, s’est reconverti en fossoyeur du village après le suicide de son frère, tout en s’occupant de Marco, son neveu autiste.
Il pensait y couler des jours tranquilles entre deux douleurs de dos et des allers-retours au cimetière, laissant son passé derrière lui.
Mais tout bascule lorsque Marco disparaît, juste après l’enterrement suspect d’un homme aux mœurs répugnantes.
Alors Coveiro se remet en marche. Il n’a pas oublié comment on tient un fusil ni comment on fait parler ceux qui préfèrent se taire.

@jf-martin
Il n’a pas oublié non plus que certains silences valent plus cher que la vie d’un gamin innocent.
Et ce village, censé être son havre, se transforme en terrain de chasse dans lequel se croisent des truands sans morale , une matriarche carnassière flanquée d’un cochon tatoué, et des tueurs qui débattent en pleine action.
Un décor où l’humour se mêle aux gerbes de sang, sans complaisance, mais avec ce sourire en coin qui dérange autant qu’il amuse.
Marto Pariente a ce don pour faire vibrer chaque page avec un mélange de brutalité et de dérision sans que jamais le trait ne soit forcé. Il dose ses scènes avec précision, coupe les bavardages inutiles, et offre à ses personnages une place entière, qu’ils soient des gangsters ratés, des tueurs bavards ou un oncle usé qui ne lâche pas prise.
Il y a dans ces pages une violence qui ne cherche pas à choquer gratuitement. Elle est brute, sèche, presque inévitable, mais teintée d’ironie, comme un pied de nez aux puissants et aux minables qui gravitent dans cette Espagne rurale.
Et puis, derrière le fracas des coups de feu et des os brisés, il reste le lien fragile entre Coveiro et Marco, que Pariente esquisse sans pathos, sans violons, avec une tendresse silencieuse qui donne tout son poids à cette cavale sanglante.
Balanegra est un western contemporain qui ne s’habille pas de grandes leçons. Il avance, claque, mord, amuse, avant de vous laisser dans le silence, une fois la poussière retombée.
Sans avoir la prétention de renouveler le genre, ce roman parvient à lui redonner du souffle et à le faire vibrer. Il nous rappelle qu’un éclat de rire peut surgir même dans les moments les plus sombres et qu’il faut parfois traverser la nuit pour retrouver un peu de lumière.
Si vous aimez les polars tendus, ceux où l’on oublie vite de trancher entre le bien et le mal pour simplement suivre les personnages jusqu’au bout de leurs choix, Balanegra a tout pour vous séduire. Un roman à la fois rugueux et jubilatoire, où chaque coup de feu résonne avec justesse dans le fracas ambiant.
Et lorsque vous refermerez ce livre, il y a de grandes chances pour que vous gardiez l’odeur de la poudre dans les narines et un sourire en coin. Parce qu’il n’est pas si fréquent de tomber sur un roman noir qui trouve cet équilibre.
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