LA NUIT RAVAGÉE

26 juillet 2025

Roman de

Jean-Baptiste DEL AMO

Édité chez

Gallimard

Date de sortie
13 mars 2025
Genre
Thriller
Pays de l'auteur
France
Avis

ACQUISITION: LIBRAIRIE

C’est un roman qui gronde sourdement, comme un orage en gestation, dans les couloirs obscurs d’une adolescence aux abois.

Avec La Nuit ravagée, Jean-Baptiste Del Amo se réinvente dans une forme inattendue, s’empare des codes du roman d’horreur et les détourne à sa manière pour en faire le support d’un récit initiatique sombre et charnel.

Loin des pastiches ou des clins d’œil appuyés, il explore les tréfonds de l’intime à travers une fiction fantastique solidement ancrée dans le réel.

Saint-Auch. Dans cette banlieue( imaginaire) des années 1990, cinq adolescents, Max, Mehdi, Alex, Thomas et Lena, errent dans une routine morne, étranglés par les tensions familiales, les désirs inavouables, les humiliations subies et les drames tus.

À cet âge fragile où tout vacille, l’impasse des Ormes se dresse comme un symbole. Au bout de celle-ci, une maison abandonnée, attire et obsède.

Le roman commence comme une chronique douce-amère d’une jeunesse désœuvrée. La bande se retrouve, traîne entre deux projections de VHS et quelques joints partagés. Mais chacun porte en soi une faille béante,  la mort d’un parent, la violence domestique, le harcèlement, les désirs non conformes, les blessures anciennes. C’est cette part blessée que la maison va révéler, exacerber, jusqu’à la faire basculer dans l’effroi.

À mesure que les adolescents franchissent le seuil de cette bâtisse, le récit glisse , presque sans prévenir , du réalisme à la terreur, comme si le monde tangible se fissurait lentement pour laisser remonter ce que l’on refoule.

Ce n’est pas tant la peur de créatures ou d’apparitions qui hante ces pages que l’on redoute, que celle de se retrouver seul face à soi-même.

 La maison agit comme un catalyseur, un miroir déformant et pervers qui donne corps aux blessures psychiques. Elle ne tue pas d’un coup , elle infiltre, manipule, séduit. Elle connaît les failles de chacun, et s’en repaît.

Del Amo réussit avec brio, la fusion entre les tourments intimes et les formes du genre horrifique. Il ne cherche pas à surprendre par le surgissement du monstre, mais à déranger par la lente contamination du réel.

La peur naît ici d’une vérité nue .Ll’adolescence n’est pas une mue douce, mais un combat. Contre les normes, les adultes défaillants, les assignations sociales, le regard des autres.

 Chaque incursion dans la maison devient alors une épreuve, un passage, une révélation souvent insupportable.

L’écriture de Del Amo, ample, sensorielle, parfois crue mais jamais gratuite, épouse cette lente descente dans les ténèbres. On y retrouve une intensité émotionnelle rare, une capacité à faire sentir les élans du désir comme les gouffres de la honte ou de la peur.

 La langue est à la fois fluide et précise. Elle épouse les méandres des consciences adolescentes avec une justesse troublante.

Mais La Nuit ravagée est aussi un roman du regard. Celui que l’on porte sur soi, sur les autres, sur ce que l’on cache.

Le fantastique ici n’est pas un divertissement, mais une façon d’accéder à l’invisible , aux douleurs que l’on n’ose pas nommer.

Le livre interroge ce que signifie grandir, se construire dans un environnement où les repères vacillent, où les adultes échouent, où le monde extérieur semble hostile ou indifférent. Il interroge ce que l’on abandonne pour devenir un autre, et à quel prix.

Sombre, haletant, et profondément humain, La Nuit ravagée n’est pas un simple exercice de style dans le genre horrifique .

C’est un roman charnel et inquiet, un récit de transformation qui laisse une empreinte durable.

Jean-Baptiste Del Amo y convoque les spectres de sa propre adolescence pour mieux révéler les gouffres que chacun porte en soi. Et si l’on ressort bouleversé de cette maison du fond de l’impasse, c’est peut-être parce qu’on y a croisé, l’espace de quelques pages, un reflet de nos propres peurs.

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