Roman après roman, Benoît Séverac trace à bas bruit son sillon. A la fois auteur de jeunesse et pour adulte, il nous offre régulièrement des univers et des atmosphères variés, mais avec pour trait commun une dose incroyable d’humanité.
« Le bruit de nos pas perdus » n’échappe pas à la règle. Et encore une fois, il nous propose un texte bien différent de son précédent roman « le peintre du tableau juif » qui avait su rencontrer le succès en librairie.
Cette fois-ci nous sommes revenus à Versailles, à la brigade criminelle. C’est là que nous retrouvons le commandant Cérisol, que certains avaient découvert dans « Tuer le fils ».
Ce policier aguerri dirige une équipe qui, à première vue, semble très hétéroclite, avec Nicodemo, un râleur invétéré et proche de la retraite, mais un véritable ami, et Grospierre, un jeune plein de talent, à l’intuition fiable, et féru de taekwondo.
Ce trio masculin a récemment accueilli une nouvelle recrue, la lieutenante Krzyzaniak. Cette jeune femme impertinente au caractère bien trempé est déterminée à se faire une place dans le groupe sans se laisser intimider par ces mâles qui l’entourent.
Hétéroclite, disais-je, mais terriblement complémentaire et soudée à leur chef.
Et il n’en faudra pas moins pour mener à bien deux affaires qui leur sont confiées .
Celle d’abord de la mort d’une jeune femme. Un suicide en apparence, mais qui va très vite intriguer nos policiers. D’autant qu’il s’avèrera que la victime était enceinte de quelques semaines et semblait heureuse de ce futur évènement.
Celle, ensuite, du corps d’un homme de type africain ,retrouvé dans le caveau d’une famille bourgeoise et emballé dans du film cellophane.
Comme d’habitude dans les polars de Benoît Séverac, ici point de rebondissements spectaculaires , de course poursuite ou d’actes héroïques .
Nos policiers se lancent dans une double enquête dans les règles de l’art, minutieusement, en faisant un travail de fourmis pour dénicher le détail, l’élément qui conduira au suivant, et de fil en aiguille, jusqu’à la vérité.
Pour autant qu’elles soient menées de manière classique, les investigations ne manqueront pas d’accrocher le lecteur.
Car va s’esquisser peu à peu les destins contrariés de personnages, d’abord anonymes, et qui au fil des pages, vont prendre de l’épaisseur , à mesure que se fera jour leur tragique histoire.
C’est le cas de ce fantôme qui va hanter plusieurs chapitres de ce roman, avant que la découverte de son nom et de son parcours lui redonne son humanité.
Une histoire banale et pourtant tellement effroyable. Celle de ces hommes et ces femmes qui décident un jour de partir en laissant derrière eux leur terre pour un ailleurs prometteur, mais qui quittent un enfer pour en trouver un autre. Celui des passeurs, de la mort en pleine mer, ou de l’esclavagisme moderne.
Et c’est là toute la force de l’écriture de Benoît Séverac. Il travaille, façonne aux mots ses personnages dont on sent qu’il a pour eux une immense tendresse.
Il donne à ces anonymes broyés et déchirés par la vie un visage et une humanité qui nous oblige à regarder en face ces drames que l’on voit tous les jours à la télé, et dont notre capacité à nous révolter est anesthésiée par récurrence de ces tragédies.
En nous faisant découvrir et partager leurs failles et leurs faiblesses, leur quotidien et leur vie personnelle, il rend ses personnages terriblement attachants.
Et c’est le cas aussi du commandant Cérisol, qui, en plus de son travail , est rongé par l’absence de sa femme, Sylvia, aveugle et sportive de haut niveau, partie faire une compétition de torball au Japon, et qui ne donne plus signe de vie.
Le dernier tiers du roman est sans doute le plus poignant. Tout en apportant le dénouement à ces deux enquêtes en cours, il se centre également sur Cérisol et son couple.
Un homme ébranlé par ce silence inexpliqué de son épouse, et dont le retour va provoquer une véritable déflagration, qui sera malgré tout salvatrice, mettant à jour un mal profond qui les ronge tous les deux. On découvrira alors deux êtres bouleversants.
L’auteur interpelle son lecteur à travers ces destins contrariés, mais ne lui susurre aucune réponse, laissant à ce dernier le soin de se poser les bonnes questions, si toutefois il n’est pas insensible au monde qui l’ entoure.
Car Benoit Severac est un écrivain de l’émotion, de l’humain. Une plume d’une grande compassion qui, avec sa vision très fine de la vie, aborde les maux de notre société avec simplicité, sans-parti pris, mais sans concession non plus, et qui sait dénicher la part d’humanité qui sommeille en nous, que l’on soit SDF, migrant, ou bien flic.
« Le bruit de nos pas perdus » est un roman qui touche, qui émeut et c’est une nouvelle fois une belle réussite !
ACQUISITION : LIBRAIRIE
Très touché par ce retour. Merci beaucoup.
Avec grand plaisir, Benoît ! Merci à toi pour ce très beau roman que tu nous a écrit là ! 🙂
J’ai apprécié 115, Tuer le fils et Skiatook Lake, mais été très déçue par Le tableau du peintre juif, ce qui fait tout de même une majorité très positive. Je retiens donc ce dernier opus..
bonjour toi ! Si tu as aimé ” Tuer le fils”, alors tu vas aimer ” le bruit de nos pas perdus”, car tu vas y retrouver des personnages que tu avais rencontrer dans ” tuer le fils”. ” Le tableau du peintre juif” j’avais bien aimé pour ma part. Celui ci est très différent ! A bientôt ! 🙂
Oui, le fameux Cérisol, un sacré personnage !
Oui, tout à fait ! moi, je le découvrais, car je n’ai pas (enore) lu ” tuer le fils” !