Cet été je continue à chroniquer quelques romans parus il y a quelques mois. Aujourd’hui intéressons nous au dernier roman d’Arnaud Fridmann.
Il avait rêvé de cet enfant, imaginé ce que serait sa venue, jusqu’au jour où la peur, brutale et irrationnelle, l’avait poussé à fuir.
C’est ainsi que quelques jours avant sa naissance il avait disparu, laissant derrière lui une compagne sur le point d’accoucher et un avenir qui s’effondrait. Il ne connaîtra sa fille qu’à travers un SMS laconique, mentionnant son prénom et son heure de venue au monde.
Puis, quelques semaines plus tard, vient un autre verdict, plus implacable encore. Celui d’une maladie fulgurante qui ne lui laisse que quelques mois à vivre.
Dès lors, une idée s’impose, déraisonnable et irrévocable, celle d’aller chercher cette petite fille qu’il n’a jamais tenue dans ses bras.

@izabelly-marques-hag
Il va l’enlever dans un geste à la fois insensé et désespéré, et l’emmener dans une cabane isolée, vestige de son enfance, perdue au milieu des bois, pour lui offrir, dans ce temps dérisoire qui lui reste, un début d’histoire commune.
C’est là, dans cet abri sommaire, qu’il tente de rattraper le temps perdu . Apprendre à nourrir, à changer, à apaiser, chercher dans chaque sourire un signe de reconnaissance , inventer les gestes d’un père alors que l’ombre de la fin se rapproche.
Car la maladie ne cesse de grignoter ses forces, les douleurs s’intensifient, les hallucinations brouillent la frontière entre réel et imaginaire.
Le récit navigue ainsi entre instants lumineux et zones d’ombre, entre gestes concrets et visions fantasmées.
Parfois, le doute s’installe. A-t-il vraiment accompli ce qu’il croit avoir fait ? L’a-t-il emmenée jusqu’au bout ou seulement rêvée près de lui ? L’auteur entretient cette incertitude, laissant au lecteur le soin de combler les silences.
Au fil des pages, se dessine un portrait d’homme en quête de rédemption.
Ce père sans prénom, rongé par l’urgence, tente de condenser en quelques semaines ce que d’autres ont toute une vie pour offrir.

@josie-weiss
Il écrit des lettres à sa fille, espérant qu’un jour elle les lira et saura que, malgré son absence initiale, il a voulu être présent, ne serait-ce qu’un court moment. Ces mots deviennent un héritage immatériel, la seule trace qu’il puisse laisser.
Le roman est pris dans cette tension permanente entre la tendresse et la menace, entre l’amour paternel et l’ombre de la fin.
Arnaud Friedmann choisit une écriture brève, presque morcelée, comme si chaque fragment captait un éclat de vie avant qu’il ne s’éteigne.
Les courts chapitres fonctionnent comme des flashs, celui d’un regard, un rire, une douleur, un souvenir. L’émotion naît de ces instants suspendus, parfois simples, parfois d’une intensité bouleversante.
« L’invention d’un père » n’est pas seulement l’histoire d’un enlèvement, mais celle aussi d’un lien fragile, construit dans l’urgence et le doute.
Un texte qui interroge ce que signifie être père, ce que l’on choisit , ou non , de transmettre quand le temps est compté. On referme ce livre avec le sentiment d’avoir partagé quelque chose d’intime, de rare, et peut-être d’avoir entrevu, à travers la fiction, cette part de lumière qui persiste même dans les situations les plus sombres.
Le roman d’Arnaud Fredmann est texte qui remue par sa sincérité et qui, une fois refermé, continue de résonner longtemps dans la mémoire du lecteur.
ACQUISITION: LIBRAIRIE
0 commentaires