Après dix années passées à Richmond, Will Seems retrouve la petite ville de son enfance, un badge d’adjoint en poche et la sensation de remettre les pieds dans un passé qui n’a jamais vraiment cessé de peser.
Quelques temps après son arrivée, un ami d’enfance est retrouvé mort dans une maison en feu. Sur les lieux, la police arrête un voisin âgé, homme discret et respecté de la communauté noire, rapidement érigé en coupable

@dave-hoefler
idéal.
Will connaît le suspect, Zeke Hathom, et sa famille. Enfant, il a trouvé refuge chez eux après la mort de sa mère. En arrêtant cet homme, il a le sentiment de trahir ceux qui l’ont un jour accueilli comme l’un des leurs.
Tout se complique lorsque la communauté noire fait appel à Bennico Watts, détective venue de Richmond, chargée de démontrer l’innocence du vieil homme.
Ensemble, malgré leur méfiance mutuelle, Will et Bennico vont remonter la piste d’un passé trouble qui les conduit jusqu’au Snakefoot, une zone marécageuse à la marge du comté, où survivent les exclus et les oubliés.

@alina-rubo
Là-bas, entre boue, silence et rancunes, ils découvrent que les crimes d’aujourd’hui portent la trace de ceux d’hier, et que la vérité, ici, n’a jamais été une priorité.
Henry Wise excelle à décrire ce Sud rural abandonné à lui-même, ces paysages de misère et de torpeur, ces routes qui s’enfoncent dans la vase comme dans la mémoire.
Le décor devient un personnage, pesant, omniprésent, façonnant les comportements et dictant les silences.
L’enquête, somme toute classique, passe au second plan derrière la peinture d’un territoire abîmé et de consciences égarées dans leurs propres contradictions.
Mais ce réalisme âpre a un revers ,car l ’intrigue s’étire et peine à maintenir la tension.
En effet, les rebondissements arrivent un peu tard, les personnages secondaires manquent parfois d’épaisseur, et certaines situations semblent répondre à des codes déjà trop vus.
Will, pourtant solide dans son rôle d’homme en quête de réparation, reste enfermé dans une retenue constante qui finit par étouffer l’émotion.
Bennico, plus directe, apporte un souffle salutaire, mais elle disparaît souvent derrière le décor. On aurait aimé que leur duo prenne davantage corps, que l’enquête leur permette de se transformer réellement.

@defne-kucukmustafa
L’écriture, elle, oscille entre justesse et une certaine surcharge. Wise a le sens du détail, de la lumière, de la matière. Ses descriptions sont précises, souvent superbes, et restituent avec talent l’atmosphère étouffante de ces comtés oubliés.
Mais à force de vouloir densifier chaque image, il en vient parfois à ralentir son propre récit.
Malgré ces réserves, le roman conserve une vraie cohérence. La culpabilité, la transmission des fautes, la frontière incertaine entre justice et vengeance traversent le récit avec une gravité sincère.
Will et Bennico ne cherchent pas seulement un coupable. Ils tentent de comprendre ce qui, dans ce coin de Virginie, condamne les mêmes histoires à se répéter.
C’est peut-être là que réside la pertinence du roman, dans cette conscience d’un mal enraciné, impossible à extirper sans tout détruire autour.
« Nulle part où revenir » laisse une impression mêlée. On découvre un territoire dense, habité, puissamment décrit, sans pourtant y avoir trouvé l’intensité qu’on espérait.
L’atmosphère l’emporte sur le suspense, la justesse du cadre sur l’émotion.
Un roman solide, empreint d’une belle noirceur, mais qui laisse le lecteur à distance, comme Will devant sa ville, conscient de tout ce qu’elle recèle, sans jamais parvenir à s’y sentir vraiment à sa place.
ACQUISITION: LIBRAIRIE


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