Entre la lecture de deux romans sortis récemment, il est bon parfois de s’intéresser à quelques ouvrages plus anciens, à fortiori lorsqu’il s’agit de classiques de la littérature noire américaine.
J’aime beaucoup Jim Thompson, qui a écrit plusieurs des chefs-d’œuvre de ce genre que nous apprécions particulièrement. Un grand nom, que, paradoxalement, je n’avais jamais chroniqué sur Passion Polar.
Je répare donc cette impardonnable erreur aujourd’hui avec son magistral roman « Pottsville, 1280 habitants ».
Nous sommes donc dans ce trou perdu du Texas, au virage des années 20 du siècle dernier.
C’est là qu’officie Nick Corey en tant que shérif.
Nick n’est pas ce qu’on pourrait appeler un foudre de guerre. Il ne faut pas compter sur lui pour faire du zèle.
Sa seule préoccupation , c’est de garder son poste. Aussi, prend-il grand soin de ne pas mettre son nez dans les petites magouilles et les turpitudes de ses concitoyens.
Femme battue, nègres lynchés sans autre forme de procès, inceste, autant d’affaires dont il détourne le regard, préférant se vautrer dans la fainéantise et user son temps à courir les jupons.
Alors, forcément, il n’impressionne pas grand monde à Pottsville, pas même les proxénètes du coin qui défient son autorité ouvertement.
Pas même non plus son épouse Myra, qui ne cesse de se moquer de lui et de l’insulter, et qui, passe davantage de temps avec son abruti de frère avec qui elle entretient une relation ambiguë.
Les choses auraient pu continuer immuablement dans ce patelin sans relief, si un jour un concurrent au poste de shérif n’avait émergé pour la prochaine élection. Car cette fois l’adversaire s’avère redoutablement compétent.
Nick Corey ira chercher réconfort et conseil auprès de son chef, dans la ville voisine. Ce dernier, bien entendu, se moquera de lui et l’humiliera en lui donnant, au sens propre comme au sens figuré, un bon coup de pied aux fesses.
Dès lors notre shérif va décider de reprendre les choses en main et faire un grand ménage, et cela va être particulièrement expéditif et sanglant.
« Pottsville, 1280 habitants » est un pur régal de lecture ! Du grand roman noir comme on les aime !
Ce livre se dévore d’une traite, et c’est extrêmement jubilatoire.
On est d’abord incrédule devant ce personnage de Nick Corey. Nous sommes, en effet, bien loin des stéréotypes du shérif faisant régner l’ordre avec force et détermination, infaillible face l’adversité.
Une image dont nous a abreuvés pendant des années la culture littéraire et cinématographique américaine.
À l’inverse, nous avons là un homme de peu de conviction, moqué par ses administrés, qui passe un peu pour l’idiot du village.
Mais la magie de Jim Thompson, c’est de transformer cet antihéros, en un autre individu qui va révéler toute sa duplicité au fil des pages.
Et là, le roman devient « Machiavel au pays des ploucs » .
Car notre bon shérif va progressivement dévoiler sa véritable personnalité. Celle d’un homme d’une intelligence supérieure, un manipulateur hors pair qui n’agit qu’en fonction de ses intérêts personnels.
Une sorte de génie du mal qui n’hésite pas à éliminer ceux qui entravent son existence ou ses projets, jouant de la bêtise de ses congénères tout en s’arrangeant toujours pour faire porter le chapeau à d’autres.
C’est d’autant plus truculent que Jim Thompson use aussi d’un humour décapant qui arrachera plus d’un sourire à son lecteur, alors que son texte est également une critique au vitriol d’une société de pequenots violents et racistes, qui considèrent qu’il y a toujours un pigeon à plumer quelque part.
Je ne sais pas si « Pottsville, 1280 habitants » est le meilleur roman de l’auteur, car je n’ai pas lu tous ses livres, mais c’est sans aucun doute un des plus remarquables.
Il faut absolument lire Jim Thompson !
Il sortit d’abord en tant que numéro 1000 de la mythique série noire, alors à son apogée. Titre : 1275 âmes. L’adaptation cinématographique de ce livre c’est « coup de torchon » de Bertrand Tavernier, très réussie.
Tu as tout à fait raison, Pierre ! merci de le préciser !
j’ai bien aimé il y quelques année; merci du rappem
Bonsoir Alain, tu l’avais lu dans sa première traduction ou dans celle ci , revue et corrigée? En tout cas c’est effectivement un très bon roman ! 😉
Je viens de le finir et j’ai adoré. Ce shérif est un personnage complètement atypique. On commence l’histoire en se disant que ce sera banal mais très vite on change d’avis
Bonjour ! ah ca me fait plaisir de lire ce genre de commentaire ! c’est tout à fait ca, je pense que tu as bien résumé la chose. Un personnage qui au début est d’une grande banalité et qui au fil des pages va très vite montrer son vrai visage ! Jim Thompson est vraiment un grand écrivain !
Oui, c’est le meilleur roman de Jim Thompson. Un de mes livres préférés toutes catégories confondues.
Alors, je ne sais pas si c’est le meilleur de Jim Thompson car je n’ai pas lu toute l’œuvre de cet écrivain, mais celui-ci est excellent. j’avais beaucoup aimé ” L’assassin qui est en moi “