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Clore une fresque historique de plus de mille pages sans faiblir, voilà le pari que relève Frédéric Paulin avec ce troisième volet de sa trilogie libanaise.
Après avoir restitué les origines du conflit ( « nul ennemi comme un frère » ) puis les années marquées par la vague d’attentats à Paris (« rares ceux qui échappèrent à la guerre ») , l’auteur s’attaque à la période 1986-1990, où s’entremêlent la guerre civile libanaise, les rivalités internationales et la politique française en pleine cohabitation.
C’est sur un Paris meurtri par l’attentat de la rue de Rennes qui fera sept morts et une cinquantaine de blessés, que s’ouvre le roman.
La population exige des réponses rapides et les autorités imposent une vérité de circonstance, quitte à sacrifier la rigueur judiciaire. La raison d’État, implacable et cynique, dicte sa loi.
Nicolas Caillaux, policier antiterroriste, en fait l’amère expérience , ses investigations se heurtant à cette chape étatique.
À ses côtés, Sandra Gagliaco, juge d’instruction, tente de résister aux pressions mais découvre combien la justice est fragile face aux calculs politiques. Leur couple, déjà mis à l’épreuve par la violence de leurs métiers, n’aura de cesse de se fissurer davantage au fil des pages.
En toile de fond, la présidentielle de 1988 attise les rivalités entre Mitterrand et Chirac, chacun cherchant à tirer profit du drame des otages français retenus au Liban.
À Beyrouth, la guerre reprend avec une férocité nouvelle. Philippe Kellermann, ancien diplomate, est rattrapé par son obsession pour Zia al-Faqîh, militante chiite autant fascinante que dangereuse.
Son attirance, nourrie dans un Liban miné par les pactes fragiles et les trahisons sanglantes, révèle le tiraillement permanent entre les élans intimes et la mécanique impitoyable d’une guerre collective.
À ses côtés surgit Michel Nada, député franco-libanais, contraint de vivre dans un entre-deux douloureux. En France, il s’aventure dans les zones d’ombre du pouvoir, parfois réduit à n’être qu’un pion. Au Liban, il se heurte au regard sévère de son frère Édouard, resté sur place pour prendre les armes.
Ce face-à-face entre l’exilé et le combattant imprime au roman une intensité singulière, où la petite histoire des destins individuels se heurte sans cesse à la grande.
Et puis il y a Dixneuf, ancien agent secret revenu de tout, dont les méthodes expéditives et la soif de règlement de comptes apportent une tension permanente. Personnage à la fois sombre et charismatique, il incarne la part la plus trouble de ces années d’ombres.
Frédéric Paulin nous offre une fresque politique dense, où l’on comprend les logiques cyniques de la diplomatie, mais aussi un récit profondément incarné, qui donne chair aux dilemmes des personnages.
L’alternance des points de vue, le rythme soutenu des chapitres, la capacité à rendre clairs des enjeux politiques et diplomatiques complexes font de cette trilogie un modèle d’équilibre entre exigence historique et souffle romanesque. Frédéric Paulin excelle dans l’art de l’immersion avec un style à la fois limpide et nerveux, qui capte le lecteur et ne le relâche plus.
On refermera ce dernier opus, bouleversé par la noirceur d’un conflit dont le peuple libanais demeure la première victime. Mais on sera aussi marqué par la puissance romanesque de cette trilogie, qui révèle ce que l’histoire officielle tait trop souvent.
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