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Quitter son village, ses murs étroits, les regards qui blessent . Aaro croyait trouver dans la grande ville et l’université, une échappatoire à des années de harcèlement. Il imaginait qu’en laissant derrièr lui son enfance, il pourrait enfin respirer, devenir quelqu’un d’autre. Mais on ne s’échappe pas de soi-même en changeant de décor. On emporte toujours ses fantômes avec soi.
Antti Rönkä signe ici un premier roman d’une sincérité saisissante. À seulement vingt-trois ans, il ose écrire à la première personne, sans fard ni détour, comme s’il nous glissait les clés d’un journal intime.
On suit Aaro au fil d’une année faite d’élans maladroits, de tentatives de se refaire une vie et d’échecs qui s’enchaînent. Les études, les soirées, les rencontres, tout semble l’attirer pour mieux le rejeter aussitôt.
Aaro voudrait aimer, travailler, s’intégrer. Mais il trébuche sans cesse sur cette haine de lui-même héritée de l’enfance, sur ces voix intérieures qui lui murmurent qu’il ne mérite rien, pas même un peu de bonheur.

@gioele-fazzeri
On est saisi par le contraste entre la langue épurée et l’intensité émotionnelle qu’elle véhicule.Rönkä écrit par phrases courtes, presque sèches, mais derrière cette sobriété affleure une intensité brute.
On y lit l’anxiété, la culpabilité, le désir d’en finir avec la solitude. On y sent aussi le besoin vital de se cacher , derrière les vêtements de marque, les cheveux toujours recoiffés, les soirées où il joue à paraître détendu.
L’auteur évite toute complaisance car Aaro n’est jamais idéalisé. Il est parfois agaçant, obsédé par lui-même, enfermé dans son mal-être. Et pourtant, on ne peut s’empêcher de le suivre, de le comprendre, tant sa douleur résonne avec une justesse presque universelle.

@stormseeker
Le texte alterne le présent cette année d’étudiant à Jyväskylä , et les souvenirs d’une enfance marquée par les humiliations. Ce va-et-vient donne au récit une profondeur singulière et le lecteur mesure le poids du passé dans chaque geste du présent.
Mais jamais le harcèlement n’est traité comme un simple sujet « de société » .Il est là, en arrière-plan, comme un poison diffus qui a modelé une personnalité entière.
Et puis il y a ces rares moments de lumière. Une rencontre, une main tendue, l’idée qu’aimer ou être aimé reste peut-être possible. Le roman ne promet pas une rédemption spectaculaire, mais laisse entrevoir un passage, une brèche. Comme si l’auteur refusait de conclure sur le désespoir seul.
“Sans toucher terre” est bien plus qu’un récit sur le harcèlement scolaire. C’est un roman sur la difficulté d’habiter sa propre vie quand on a appris trop tôt à se haïr. Sur le désir de tout recommencer quand on ne sait pas comment. Et sur cette oscillation permanente entre le poids des blessures et la soif d’autre chose.
Un premier livre âpre et fragile à la fois, qui marque durablement parce qu’il parle vrai, tout simplement.
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