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San Vito n’a rien d’un décor de carte postale . Un village plat et poussiéreux, coincé entre deux cours d’eau, où la vie se résume à tuer le temps au bar, un verre de grappa à la main.
Mais sous cette apparente torpeur grouille une faune de petites frappes et d’escrocs, chacun campé sur son territoire . Un noyau d’Italiens qui règlent leurs affaires à l’ombre du clocher, un clan chinois installé de l’autre côté de la rue principale, et, en marge, un groupe de Gitans fraîchement débarqué.
Dans cet équilibre déjà précaire, il suffira d’un vol pour que tout s’effondre . Une statue de saint Antoine est dérobée dans la villa d’Ettore, dit « la Bête », chef local réputé pour sa brutalité.
À partir de là, San Vito devient le théâtre d’un chaos grandissant où alliances bancales, règlements de comptes et coups foireux s’enchaînent.
Avec ce court roman, Matteo Righetto signe un véritable petit bijou de noir déjanté. L’intrigue, en apparence simple, se déploie dans une atmosphère moite et crasseuse, portée par des dialogues savoureux et un humour grinçant.
L’auteur met en œuvre dans son roman un sens aigu de la caricature avec des truands trop sûrs d’eux, des flics corrompus, des patrons de bars louches, et une galerie de seconds rôles improbables (dont trois cochons nommés DSK, Berlusconi et Trump !).
Cette galerie de portraits offre une lecture vivante, presque cinématographique, où chaque personnage est croqué en quelques traits efficaces et souvent hilarants.
La vitalité du roman tient d’abord dans son rythme et sa tonalité. Les chapitres courts donnent à l’ensemble un tempo nerveux, et les situations absurdes s’enchaînent sans jamais paraître forcées.
Righetto déploie à la perfection un art du décalage, en mêlant descriptions du quotidien le plus sordide et éclats de violence, le tout relevé par une ironie mordante.
La violence est bien là, mais elle est traitée avec un ton qui désamorce toute gravité car on rit souvent, parfois jaune, mais on rit.
Il y a quelque chose de profondément visuel et presque musical dans ce livre . Les scènes de bar, les dialogues bourrés d’argot et de fautes volontaires, les SMS mal orthographiés des « gangsters du dimanche », tout cela compose une partition chaotique qui fonctionne à merveille.
Derrière la farce, Righetto brosse un portrait acide d’une Italie provinciale engluée dans ses magouilles, où l’ennui et la misère servent de terreau à une criminalité aussi grotesque que dangereuse.
On referme Savana Padana avec l’impression d’avoir assisté à une comédie noire, entre fresque villageoise et western moderne. C’est un roman bref, mais diablement efficace, qui se dévore en quelques heures avec le sourire aux lèvres. Pour les amateurs de polars atypiques, où l’on préfère la dérision à la gravité, c’est une pépite à ne pas manquer.
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