Le Grand Nord canadien. Immense et majestueux, enivrant et terrifiant à la fois, une terre de bout du monde, indomptable .
C’est dans un petit village de ce territoire sauvage et inhospitalier que Matthew Callwood vient prendre ses fonctions de Constable de la police montée canadienne. Fils de bonne famille, il s’est engagé à la suite d’une déception amoureuse.
Imbibé d’idéalisme , ayant soif de succès et de gloire , ce jeune officier d’une vingtaine d’années, prend particulièrement à cœur de servir sa gracieuse Majesté, et est bien décidé à faire respecter l’ordre et la loi dans ce lieu reculé.
Mais il va devoir d’abord imposer son autorité auprès de ses collègues bien plus âgés et aguerris que lui ; quant à la discipline, ces derniers sont plus enclins à se vautrer dans l’inertie , à fréquenter les prostituées , à boire jusqu’à plus soif et à manigancer avec
les trafiquants d’alcool.
Difficile également de se faire accepter par les Cris, peuple autochtone qui n’a pas besoin de la justice des blancs pour régler leurs problèmes, et qui tolère bon gré mal gré leur présence.
Rapidement il va comprendre que cette affectation risque de ne jamais lui permettre de se faire remarquer par ses supérieurs et monter ainsi en grade et en réputation.
Nous sommes en 1914 et les échos d’une guerre imminente en Europe se font entendre jusqu’au Canada. Il a bien demandé à être relevé de son poste pour s’engager dans l’armée, mais sa hiérarchie reste sourde à celle-ci.
Le désenchantement le gagne même s’il ne laisse rien paraître.
Jusqu’au jour où le jeune officier entend parler de Moïse Corneau, un meurtrier condamné et en fuite, qui aurait tué sa femme et son bébé et qui se terrerait dans la région.
L’homme est craint et a quasiment rang de légende. La population voit la main du fugitif dans toutes les morts violentes qui peuvent survenir dans le coin.
Il n’en fallait pas plus pour que notre constable décide de se lancer dans une chasse à l’homme éperdue, qui le conduira à faire face à une nature somptueuse, mais hostile , et à affronter un ennemi insaisissable et dangereux.
Armé de son inexpérience et de son sens exacerbé de la justice, Matthew Callwood, va très vite être confronté à la réalité d’un monde beaucoup plus violent et moins manichéen qu’il ne pouvait l’imaginer.
« Chercher un homme dans cette immensité est absurde. Parce qu’on vit toute l’année dans des clapiers de quelques mètres carrés, parce qu’on remplit sa chemise, qu’on touche des orteils le bout de la baignoire, on finit par croire que l’être humain prend de la place sur Terre. C’est faux. Dans la forêt boréale, l’homme est un microbe. »
L’expédition sera lente, difficile, dans cette nature qui n’aura à offrir qu’un visage de dureté et qui malmènera brutalement le petit groupe lancé aux trousses du fugitif.
On avance en traineau, en canoë, et finalement à pied au milieu de rivières tumultueuses, et d’une faune sauvages où la rencontre avec un ours, un loup ou un orignal peut à chaque instant virer au drame. La troupe aura tôt fait de passer en mode survie.
Er dans cet univers inhospitalier , les rôles s’inversent, les convictions et les caractères s’effritent ou se redessinent, frottés au papier de verre de la rudesse de cet environnement impitoyable.
Que laisseront-ils derrière eux, et que ramèneront-il de cette équipée perdue au milieu de nulle part ?
« A la lisière du monde » est une vraie réussite.
Un livre porté par un puissant souffle romanesque , qui ne sera pas sans rappeler aux lecteurs un certain Jack London. La beauté des paysages est admirablement rapportée par la plume de l’écrivain qui devient parfois lyrique.
« La rivière est en travail. La glace craque, grince et couine. De lourdes échardes s’élèvent hors de l’eau, exposent des fanons de cristal qui scintillent au soleil. »
L’auteur nous offre une histoire des plus palpitantes, qui relève moins d’une chevauchée rédemptrice, que d’un parcours initiatique, tant l’adversité révèlera la vraie nature des hommes qui composent cette équipée insensée et permettra à chacun d’en apprendre un peu plus sur soi.
Un roman comme on aimerait en lire plus souvent, qui associe dans une alchimie réussie, la beauté lumineuse d’une nature féroce et impitoyable, à la noirceur du destin des hommes qui s’aventurent en son royaume.
Du bel ouvrage.
ACQUISITION : LIBRAIRIE
J’ai adoré ce livre. Très belle histoire, puissante. Une aventure incroyable.
Cela m’a fait pensé à “Ravage” de Ian Manook.
Bonsoir Annabel ! c’est effectivement un excellent roman qui aurait mérité une meilleure couverture médiatique à sa sortie en janvier. Je n’ai pas lu ” Ravage” de Manook, donc je ne peux pas te dire en ce qui me concerne. En tout cas, ceux que je connais qui ont lu ce roman ont été séduit par cette aventure dans le Grand Nord ! A bientpot j’espère !