CHÂTEAU DE CARTES

15 mai 2022

Roman de

Miguel SZYMANSKI

Édité chez

Agullo

Date de sortie
24 mars 2022
Genre
Policier
Pays de l'auteur
Portugal
Traduction
DANIEL MATIAS
Avis

Comme son nom ne l’indique pas (mais comme le laisse peut-être supposer son prénom) , Miguel Szymanski est un auteur portugais.

Rares sont les écrivains lusophones à être traduits dans la langue de Molière. Le Portugal reste encore une terre de découverte que l’on commence cependant à explorer, à l’image des éditions Agullo qui nous ramènent de là bas cet excellent roman.

J’avais malgré tout eu le plaisir il y a quelques mois de lire et de chroniquer le livre de Pedro Garcia Rosado « Le club de Macao » publié aux éditions Chandeigne, qui brossait un portrait au vitriol de l’élite de son pays, plus soucieuse de ses propres intérêts que du bien commun.

Le roman de Miguel Szymanski est du même calibre. Car ce n’est pas à une visite touristique et bucolique qu’il nous invite, mais à une plongée dans les arcanes du pouvoir financier et politique portugais, qui à l’occasion de la crise de 2008, par sa cupidité, ses malversations, a aggravé la situation mettant le pays au bord de l’abîme.

Pour dénoncer cette caste qui tient le Portugal entre ses mains, Miguel Szymanski qui est aussi journaliste, va créer un personnage qui lui ressemble beaucoup.

Marcelo Silva est de retour au pays. Après avoir été journaliste économique et correspondant en Allemagne pour le quotidien qui l’employait, il change de boulot pour prendre la tête d’une brigade de lutte contre la criminalité financière. Un changement radical et surprenant.

Avant d’endosser officiellement ses nouvelles fonctions, il profite de quelques jours pour s’imprégner à nouveau de l’atmosphère de Lisbonne et retrouver certains de ses amis.

Mais la balade va très vite se transformer en investigations. Car le voilà à devoir enquêter sur la disparition d’Antonio Carmona, le dirigeant d’une des plus puissantes banques de la place lisboète, la Banco de Valor Global (BVG).

Et son enquête va très rapidement l’obliger à s’intéresser aux relations malsaines entre le monde politique et la finance, le conduisant à se rendre des bâtiments feutrés des ministères ou des bureaux d’affaires, aux lieux de débauche plus discrets du Lisbonne de la nuit, pour suivre la trace des criminels qu’il a en ligne de mire.

J’avoue que si j’ai eu un peu de mal à rentrer dans le roman au cours des premiers chapitres, j’ai heureusement été très vite happé par cette histoire qui s’est avérée finalement passionnante.

Comme je l’indiquais, l’auteur est aussi journaliste économique. Autant dire qu’il maîtrise parfaitement le sujet pour avoir couvert en son temps différents scandales qui ont ébranlé le Portugal.

C’est ce qui donne sans doute cette patine de crédibilité à son récit, sans tomber toutefois dans le travers d’une prose de spécialiste qui en aurait rebuté plus d’un.

Non, « Château de cartes » est un vrai roman d’enquête particulièrement solide qui vous ferre sans même que vous ne vous en rendiez compte.

Car vous ne réalisez pas ( du moins pas tout de suite) qu’au fil des pages, vous passez progressivement d’une errance dans les rues et les quartiers lisboètes qui font le charme de cette ville touristique , à un passage derrière ce décor de carte postale, que ce soit pour découvrir la gangrène d’un monde politico-financier qui n’hésite pas à détourner l’argent des contribuables pour couvrir ses malversations et sauver une banque de la faillite pour ses placements hasardeux, où que ce soit pour prendre conscience que cette ville qui fait tant rêver pour ses atouts pittoresques, a elle aussi été avalée par la mondialisation et la gentrification.

Mais il n’y a pas de roman efficace et passionnant sans personnages pour porter cette intrigue.

On s’attache très vite à celui de Marcelo Silva, qui tout au long du texte fait preuve d’une impassibilité à toute épreuve. Homme désinvolte non dénué d’humour et d’autodérision, aimant la bonne chère (il nous emmènera dans quelques bons restos de la ville) , derrière cette apparence flegmatique se cache un redoutable limier qui ne laisse rien au hasard et qui inlassablement avance vers la vérité .

Vous croiserez bien sûr la route d’autres protagonistes dont certains assez surprenants comme Margarida, une amie d’enfance de Marcelo Silva . Femme hors du commun, à l’indépendance farouche, elle affirme ses convictions haut et fort. Homophobe assumée, elle ne sort quasiment plus de chez elle, mais connais tout le gotha de la bourgeoisie locale.

Autant dire que ce roman de Miguel Szymanski est une vraie réussite. Il embarque son lecteur à la fois dans les dédales d’une ville magique et poétique en plein bouleversement, et dans une affaire politico-financière qui apportera avec elle son lot de cadavres et de rebondissements.

Portrait sans concession d’une élite obnubilée par l’argent et le pouvoir, mais aussi d’un pays marqué par la tempête boursière de 2008 et ses conséquences, c’est un roman doux amer que nous refermons après 300 pages d’une lecture dévorante.

Et quand on retiendra que « Château de cartes » est en fait le premier titre d’une série dont la suite est à venir, alors on ne peut que se réjouir à l’idée de retrouver ce journaliste devenu policier pour de nouvelles enquêtes.

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