La littérature a ceci de particulier qu’elle peut parfois s’emparer de faits dont nous ignorons tout et mettre ainsi sous la lumière certaines pages méconnues de notre histoire. Le roman d’Alain Bron, « Faim de parcours », est de ces romans-là.
On ignore son nom, juste qu’il avait la soixantaine, qu’il était fils d’un ancien préfet, et qu’on ne lui connaissait pas d’ennemis. Pourtant, il a été assassiné dans son jardin d’une façon bien étrange, puisqu’une baïonnette de la Seconde Guerre mondiale sera retrouvée plantée dans son œil.
Aucune trace autour du corps. Personne n’a rien remarqué, pas même son chien qui n’a pas aboyé au moment du crime.
Un meurtre bien mystérieux confié à l’équipe du commissaire Berthier qui va dépêcher sur place son bras droit, le lieutenant Malavaux.
Très vite, les policiers vont s’apercevoir que d’autres meurtres ont été commis dans la région, qu’ils ont tous pour points communs d’avoir été perpétrés avec des armes des années 40 . Or ils ‘avèrera qu’ils ont également un lien avec un asile psychiatrique de
Clermont-sur-Oise aujourd’hui fermé, où s’est déroulé durant l’occupation un drame effroyable qui a vu des milliers de personnes mourir de faim.
Pendant ce temps-là, Pierre, 92 ans, coule des jours paisibles dans sa maison de retraite. Malgré son âge, il reste assez alerte, et au milieu de ses congénères, il est un peu la vedette du lieu dont on recherche souvent la compagnie.
Il y a Denise, dont on suppose qu’elle est secrètement amoureuse de lui, qui aime venir le voir et lui raconter ses souvenirs. Sauf que le disque est sacrément rayé et qu’elle radote pas mal, Denise, à cause de son Alzheimer qui lui dévore peu à peu la cervelle.
Il y a aussi Roger, le bricoleur qui vient chaque jour ou presque demander à Pierre un outil que ce dernier est bien incapable de lui prêter.
Avec eux, il fait preuve d’une patience d’ange et veille avec bienveillance sur ses amis. Et il aime d’ailleurs parfois jouer avec eux et les autres pensionnaires à des parties de scrabble qu’il gagne immanquablement. Au moins cela lui maintient les neurones en forme.
Enfin, il y a Igor, un employé de l’EHPAD, une armoire à glace au grand cœur, qui s’occupe des résidents et avec lequel il aime échanger. Parfois même Igor permet à Pierre de s’aérer la tête en l’emmenant en voiture à des conférences.
Pierre est un ancien informaticien. Il surfe régulièrement sur la toile pour ses recherches personnelles et pour se tenir au courant de comment tourne le monde.
Son truc à lui, c’est de parler à sa femme. Enfin, de lui écrire plutôt, car elle est malheureusement décédée. Sur son cahier intime, il lui narre ses journées, mais surtout l’avancée de son projet dont il ne parle à personne d’autre, et qui lui tient particulièrement à cœur.
Un projet qui devrait d’ailleurs trouver prochainement son aboutissement. Le clou d’une entreprise entamée depuis un bon moment maintenant pour solder les comptes d’une terrifiante injustice. Car c’est un homme à la détermination farouc
he et à la patience froide, et derrière ce visage de vieux bonhomme attendrissant, se cache un être qui porte en lui une terrible blessure qui le ronge depuis très longtemps.
« Faim de parcours » est un roman de facture classique dans sa forme et sa construction. Ici, point de rebondissements spectaculaires ou de scènes d’action qui le seraient tout autant.
L’auteur nous offre une intrigue solide qui va se déployer progressivement au fil des pages, le temps de l’inscrire dans une certaine atmosphère.
Mais à l’originalité d’un scénario qui plonge ses racines dans une page sombre et méconnue de l’occupation allemande, s’ajoute une sacrée galerie de personnages qui ne laisse pas le lecteur indifférent.
Il faut dire qu’Alain Bron n’a pas son pareil pour peindre les protagonistes de ses romans, et on sent qu’il a pour ceux de « Faim de parcours » une tendresse toute particulière qui est bien palpable. Il est vrai qu’il est bien difficile de ne pas s’attacher à eux tant ils peuvent être touchants ! Et pour ceux qui, comme moi, ont déjà eu le plaisir de lire Alain Bron, ils retrouveront avec plaisir le commissaire Berthier, son complice, l’insatiable dragueur Malavaux.
Alain Bron livre donc un roman noir teinté d’humour, parfois caustique, dont le titre est bien sûr un jeu de mots en lien avec le cœur même de ce qui nourrit cette affaire. Et même si j’ai une préférence pour « Le monde d’en bas », un de ses précédents romans, celui-ci reste de bonne facture et parvient sans mal à divertir son lecteur.
ACQUISITION: SERVICE PRESSE
0 commentaires