INTERVIEW REVUE -SANG FROID-

15 janvier 2017

 Stéphane Damian-Tissot est rédacteur de la revue ” SANG FROID” dédiée à la justice, l’investigation et au polar. Il a accepté de répondre à quelques question de La Petite Souris détective de PASSION POLAR

sang-froid

Newsletter

Rejoignez les 2 426
passionnés de polar déjà abonnés et profitez des concours de la Petite Souris.

Le dernier coup de coeur de la souris

POTSVILLE, 1280 HABITANTS

Bonjour Stephane,

Voilà un an, tu t’engageais dans une aventure autant périlleuse que passionnante, en lançant le numéro un d’un nouveau magazine trimestriel, à savoir SANG FROID.

  Peux-tu nous raconter un peu la genèse de cette aventure ?

J’ai eu l’envie et l’idée de créer une revue alors que j’étais encore en poste comme journaliste judiciaire dans un magazine lyonnais qui s’appelle Mag2 Lyon. Nous avions eu en 2013 un séminaire d’entreprise avec Laurent Beccaria, le co-fondateur de la revue XXI, car mon patron de l’époque avait l’idée de créer une revue. Laurent Beccaria nous a parlé du fait d’avoir du temps entre chaque numéro pour “creuser” les sujets qu’il traitait, des articles d’une dizaine de pages pour aller au fond des choses… Et ça m’a tout de suite parlé. J’ai commencé à réfléchir à tout ça en me disant “pourquoi pas lancer une revue sur la justice et le polar ?” et la machine était lancée jusqu’à la sortie du premier numéro en mars dernier.

  Qui t‘accompagne dans cette folle équipée et de quels horizons venez-vous ?

J’ai finalement co-créer la revue avec Yannick Dehée, le P-DG des éditions Nouveau Monde. Il avait également l’idée de créer une revue sur l’investigation et on a décidé de s’associer et fusionner nos deux projets. Yannick baigne dans le monde de l’édition depuis pas mal de temps, il maîtrise ce monde qui – de part ma profession de journaliste – m’était assez lointain. On est donc vraiment complémentaire. Le reste de l’équipe se compose d’une graphiste et d’un maquettiste récurrents ainsi que de pigistes qui se renouvellent régulièrement. Sur les quatre premiers numéros, entre les dessinateurs, les photographes et les journalistes, nous avons travaillé avec plus d’une cinquantaine de personnes.

  Qu’est ce qui fait l’ADN de ce nouveau magazine ?sang froid 4

Nous sommes une revue sur la justice, l’investigation et le polar. À part un journal comme Le Nouveau détective, il n’y avait aucun magazine ou journal consacré à la justice et nous trouvions intéressant de proposer une approche plus pédagogique et moins axé fait-divers. L’idée était aussi d’avoir des révélations pour que le lecteur n’ait pas seulement de l’analyse ou du reportage mais aussi de l’enquête. Et nous voulions ajouter à ce contenu une partie sur le polar car il y a de vraies connexions entre la réalité et la fiction et c’était intéressant de les associer. Pour en parler souvent avec les auteurs de polar, ils s’inspirent énormément de la réalité pour écrire leurs livres et les journalistes, eux, sont de plus en plus tournés vers ce qu’on appelle le “journalisme narratif” dont la figure n’est autre que Truman Capote. D’où le clin d’oeil avec le nom de notre revue.

  Créer et lancer un nouveau magazine est un pari risqué ! D’autres avant vous, on pense à l’excellente revue « Alibi « et à « Crimes et Châtiments » s’y sont essayés mais   ont fini par jeter rapidement l’éponge. Le pari est quand même sacrément risqué non ? Sur quoi mise votre équipe pour rendre pérenne SANG FROID ?

C’est vrai qu’à première vue, en voyant l’arrêt de ces deux revues, on peut se dire qu’il n’y a peut-être pas un public suffisamment large pour tenir sur le long terme, mais honnêtement, je ne pense pas. Le polar est le genre littéraire le plus lu en France, Il y a plus de 80 000 personnes qui travaillent dans la justice… Et puis nous sommes, avant tout, une revue grand-public. Pas besoin d’avoir fait d’études de droit pour lire Sang-froid, toutes les notions un peu complexes sont expliquées et explicitées. Pour preuve, sur nos quatre premiers numéros, de nombreux médias nationaux ont parlé de notre revue, cela prouve qu’il y a un réel intérêt pour ces thématiques. On a quand même un contenu différent d’Alibi et Crimes et Châtiments. La première était quasiment exclusivement orientée polar et la seconde tournée vers des affaires plutôt historiques. Je crois que c’est cette diversité de contenu qui fait la force de Sang-froid aujourd’hui et la dynamique est plutôt bonne puisque les ventes suivent et les abonnés aussi.

  C’est d’autant plus fort que SANG FROID ne contient aucune publicité ! Pourquoi ce choix ?

Stephane-1Nous voulions sortir du modèle d’une presse en partie dépendante de la publicité et de toutes les contraintes que cela implique en terme de contenu et d’indépendance. Comme d’autres revues, nous sommes en quelque sorte un modèle hybride entre le magazine et le livre et l’absence de publicité renforce également le côté “bel objet” que nous souhaitions donner à la revue. Ceci étant, je ne dis pas que c’est un choix facile car nous tirons un trait sur une rentrée d’argent importante mais nous sommes heureux d’avoir pu boucler notre première année d’existence sans rogner ce principe.

  Aujourd’hui la revue a un an d’existence, quel bilan tires-tu de cette première année cruciale ?

Un bilan plus que positif ! C’est une superbe aventure et on commence à avoir une petite reconnaissance qui dépasse le cadre judiciaire. Dernièrement, nous avons lancé, par exemple, un club des lecteurs de Sang-froid où nos abonnés peuvent demander gratuitement de recevoir un livre au sein d’une sélection et quasiment à chaque fois – alors qu’ils n’étaient pas obligés – ils joignaient un petit mot gentil pour nous complimenter sur notre travail. Ce genre de petites attentions fait vraiment plaisir et nous encourage. Toutefois, nous avons conscience d’être encore un “jeune” média avec peu de notoriété et c’est l’un de nos challenges en 2017, nous faire connaître au plus grand nombre.

  SANG FROID n’est pas à proprement parlé une revue dédiée exclusivement au polar. C’est aussi un magazine d’investigation ! Qu’elles sont les grandes enquêtes que   vous avez publiées cette année ?

Il y en a eu quelques unes mais si je devais en choisir deux ou trois, je dirais notre révélation publiée dans le numéro 2 sur les autopsies non pratiquées dans la médecine légale française, l’enquête sur l’ancien SS qui travaillait pour le Mossad ou, dans notre dernier numéro, l’attentat de l’OAS en France en 1961 contre un train qui a rapidement été enterré par le pouvoir en place à l’époque.

  L’une d’entre elle a connu une suite plutôt inattendue non ? 

En effet ! Dans notre premier numéro, nous avons publié une enquête expliquant que, lors de la libération des infirmières bulgares en 2007, un chèque de 30 millions d’euros a été signé sur ordresf1 de l’Elysée pour développer un hôpital à Benghazi. Tout ceci s’est fait dans des conditions très opaques, sans appel d’offres… Et nous avons appris dernièrement que le Parquet national financier (PNF) avait ouvert une enquête à la suite de nos révélations.

  Comment sont d’ailleurs choisis les sujets de fond que vous traitez dans Sang-froid ?

Une partie nous est proposée par les pigistes avec lesquels nous travaillons mais aussi par nos sources, à Yannick et moi, qui nous alertent sur des thématiques ou des sujets précis. Ensuite nous enquêtons, nous croisons nos sources et nos informations et si cela tient la route, on décide d’y aller. Ce sont, le plus souvent, des enquêtes de plusieurs mois.

  Dans le dernier numéro de SANG FROID vous vous intéressez tout particulièrement au métier de détective privé. Ce personnage, l’amateur de polar le connait bien,  puisque la littérature policière en regorge. Mais entre la fiction et la réalité d’une profession qu’en est-il ? Les deux sont-ils proches ou plutôt éloignés ?

C’est un métier qui fait beaucoup fantasmer et on est finalement assez loin des clichés véhiculés dans la littérature ou le cinéma. On les imagine volontiers à mi-chemin entre flic et voyou, la quarantaine, clope au bec, verre de whisky sur le bureau et pin-up aux bras. Alors que la nouvelle génération de privés est plutôt féminine et jeune ! Et ils sont loin de faire uniquement des dossiers d’infidélité par exemple ! Avec Internet et les nouvelles technologies, ils sont de plus en plus souvent sollicités pour des affaires commerciales et industrielles. Mais cela ne veut pas dire que l’image sulfureuse qui leur colle à la peau est dénuée de sens. Il y a encore des pratiques – notamment concernant la porosité des transmissions d’informations entre policiers et détectives – qui posent de vrais problèmes et qui empêchent cette profession de devenir un appui plus important des forces de l’ordre.

  Dernièrement ont eu lieu les élections américaines. Où l’on découvre après coup qu’un pays (la Russie en l’occurrence) est capable d’influencer le scrutin par des  piratages informatiques. Pourtant, à lire le passionnant article de Jordan Robertson dans ce numéro 4, ce genre de pratique n’est pas nouveau ?

sans-titre-1.FVs11Y5QHkP8C’est exact. Nous avons retracé dans ce dernier numéro les pratiques d’un hacker colombien qui s’appelle Andrés Sepulveda. Il explique avoir travaillé pour le compte de nombreux politiques en Amérique latine ces huit dernières années et avoir changé de manière illicite le destin de nombreux scrutins grâce à du piratage, de l’espionnage d’opposants ou encore de la manipulation sur les réseaux sociaux… D’ailleurs, dans cette interview, Sepulveda est formel, la dernière campagne présidentielle américaine a été truquée…

  Qu’est-ce que le lecteur trouvera d’autre dans ce dernier numéro de Sang-froid ?

J’en ai parlé un peu précédemment mais il y a donc notre révélation sur l’attentat de l’OAS en 1961 contre un train en France qui a longtemps été considéré comme un accident alors que tout laissait penser le contraire. Nous avons aussi une enquête sur les ratés de l’affaire Erignac où certaines personnes ont été mises en examen et privées de leurs droits pendant plus de 20 ans avant qu’il y ait un non-lieu prononcé en catimini en 2016. Dans la partie polar, nous avons une nouvelle inédite de Marcus Malte, un portrait découverte de Victor del Arbol ou une interview sur les coulisses de l’écriture de Peter May.

  Avec un an de recul, quel est l’article ou le dossier dont tu es le plus fier ?

Question difficile et très subjective ! Je dirais notre dossier intitulé “peut-on changer la prison ?” où nous avons fait un focus sur les différentes initiatives mises en place en France depuis plusieurssf prison années pour tenter de changer la détention. Tout le monde s’accorde à dire que la prison est dans une impasse, qu’elle rend la majorité de ceux qui y passent du temps encore plus délinquant et/ou radicalisé mais on continue inlassablement dans la même voie. Je ne crois pas que construire des places de prison supplémentaires soit une réponse suffisante à ces problématiques. Il y a de nombreuses initiatives qui, à leur échelle, permettent de replacer le détenu dans une dynamique plus positive mais il n’y a aucun consensus pour mettre en place une vraie réflexion nationale sur le sujet. Il faut dire que politiquement, ce n’est pas très vendeur… Je ne sais pas si notre dossier pourra aider en ce sens mais je trouvais important de donner la parole à ces acteurs qui se battent pour une détention plus “intelligente”.

  Dans SANG FROID l’amateur de polar n’est pas oublié puisqu’en plus de conseils de lecture sélectionnées par l’équipe, à chaque numéro vous publiez une nouvelle   écrite par un auteur majeur du polar français. Pourquoi cette idée de publier une nouvelle à chaque numéro ?

En effet, nous avons eu la chance d’accueillir pour le moment dans nos pages Franck Thilliez, Caryl Férey, Olivier Truc et Marcus Malte, un beau quatuor ! Je sais que la plupart des lecteurs sont frustrés de devoir attendre parfois un an ou deux pour lire un nouvel écrit de leur auteur favori et proposer une nouvelle est une façon de combler – en partie – leur attente. Et puis la nouvelle est un exercice que nous apprécions particulièrement dans Sang-froid car il faut arriver en une dizaine de pages à développer une intrigue courte, captivante et avec une chute intéressante. Une vraie performance !

   Ce mois-ci la nouvelle est signée MARCUS MALTE ! On peut dire que vous avez eu du nez de faire appel à lui ? ( L’auteur vient de recevoir le prix Fémina)

ffgEn même temps, nous n’avons pas beaucoup de mérite car Marcus Malte est depuis longtemps une référence dans le polar et ce prix est amplement mérité. Cocotte, la nouvelle qu’il nous livre dans ce numéro, raconte l’histoire de Jean-Baptiste Foulque, un barbouze à la retraite hanté (au sens propre) par ses vieux démons.

  Je me suis laissé entendre dire qu’au mois de Mars 2018, va avoir lieu un grand évènement. Tu peux nous en dire plus ?

Nous allons éditer un auteur de polar qui n’a encore jamais été publié chez un éditeur professionnel ! On adorerait être une revue découvreuse de jeunes talents et publier l’un des auteurs qui comptera dans les années futures. On commence déjà à recevoir des manuscrits et certains sont vraiment très intéressants. Pour ceux qui souhaiteraient y participer, pas de panique, ils sont encore largement dans les temps puisque les manuscrits doivent nous arriver avant le 15 octobre 2017 !

 Enfin pour finir, un petit mot pour les abonnés et les visiteurs de PASSION POLAR . Qu’as-tu envie de leur dire pour les convaincre, si ce n’est déjà fait, de lire SANG  FROID ?

J’ai déjà distillé pas mal de cartouches au fil de cette interview pour les convaincre non ? Juste peut-être un petit rappel, nous sommes vendus en librairie, Relay et grandes surfaces culturelles (Cultura, Fnac…) en non en kiosque. Je dis seulement ça pour éviter les émeutes inutiles…

Stéphane La Petite Souris de PASSION POLAR te remercie beaucoup d’avoir répondu à ces quelques questions.

POUR DECOUVRIR LA REVUE ET VOUS ABONNER

CLIQUEZ

ICI

 

souris pas mal du tout

6 Commentaires

  1. runbabook

    Hello Bruno ,

    Merci 😉 pour cette plongée au cœur des détails ; quelle que soit la thématique choisie chacun peut y trouver son compte et c’est toujours intéressant . Avec ” l’indic ” c’est l’une de mes préférées .
    Pour moi , la partie la plus sympathique c’est la section polars avec les focus sur les auteurs et puis ( parfois ) la nouvelle .

    Bises 😉 du pays où il fait… 33°

    Réponse
    • La petite souris

      SANG FROID est effectivement une revue très intéressante dont je me regale à chaque numero !! 🙂 Mais dit moi, il est où ce pays à 33° ? tu me vend du rêve la ! 🙂

      Réponse
      • runbabook

        Eh eh …L’ile de la Réunion , le 974 ; c’est un département français d’outremer situé à l’est de Madagascar .
        Là il fait super chaud et très sec cette saison ( c’est la période cyclonique ) ; c’est pénible en ce moment , j’envie la température de chez toi …
        Comme quoi 😉

        Réponse
        • La petite souris

          ah oui je vois, et tu viens me narguer avec tes tongues et tes coups de soleil !!! 😉 c’est petit ca Françoise, très petit !!! 😉 🙂 🙂

          Réponse
  2. Nathalie Mota

    Belle initiative que de mettre en lumière cette revue!
    Je t’avoue que je n’achète plus de revue depuis au moins….30 ans! lol
    Ceci dit… je me laisserais bien tenter

    Réponse
    • La petite souris

      ah en plus elle est vraiment très interessante, je t’invite vraiment à la découvrir ! 🙂

      Réponse

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.