TOKYO VILLE OCCUPEE

28 septembre 2014

Roman de

David Peace

Édité chez

Rivages

Date de sortie
1 septembre 2010
Genre
Policier
Pays de l'auteur
Royaume-Uni

Avant de vous parler prochainement du dernier roman de David PEACE « Rouge ou mort » (un petit bijou !) , j’ai souhaité remettre au goût du jour une de mes premières chroniques, publiée il y a quelques années, et dédiée à un autre roman de cet écrivain que j’affectionne tout particulièrement . Ce roman c’est  » TOKYO VILLE OCCUPÉE », qui à l’époque m’avait subjugué pour l’incroyable exercice de style auquel s’était livré l’auteur.

 

Tap! Tap! Toc! Toc! Bang ! Bang ! ; « Qui est là? » C’est « Tokyo, ville occupée » le (nouveau) roman de David Peace ! »

Ce roman est le second d’une trilogie entamée avec « Tokyo, année zéro »dont on attend le dernier volet avec grande impatience, mais qui peut se lire indépendamment du premier.

Tokyo, 1948. Dans une ville encore sonnée par la gifle magistrale que lui a infligée l’Histoire, un homme se présente dans une banque. Il s’annonce médecin du ministère de la santé et vient pour vacciner l’ensemble des salariés contre une épidémie de dysenterie qui vient de se déclarer dans le quartier.

Quelques minutes après avoir bu le vaccin, 10 morts s’étalent sur le sol, quelques rares survivants bougent encore, deux mourront un peu plus tard. C’est le début d’une histoire retentissante qui a véritablement marqué la capitale japonaise au sortir de la guerre. TK

En mettant en place une structure narrative complexe mais magnifiquement maîtrisée, c’est d’abord à un incroyable exercice de style parfaitement réussi auquel s’est livré David PEACE.

Les mots s’entrechoquent portés par des rythmes variants qui les font rentrer en résonnance pour nous délivrer un récit d’une grande musicalité .Car « TOKYO, ville occupée » c’est un roman qui se lit à voix haute. Il porte en lui, malgré la tragédie qu’il évoque, une certaine poésie qui est livrée au lecteur au fil des pages.

C’est à travers douze voix, douze témoignages, douze chandelles (celles des morts, d’un policier, d’une survivante,…etc…) qui s’éteignent au fur et à mesure qu’elles ont éclairé leur pan de vérité, que nous sont rapportés les événements, de près ou de loin, du côté des morts ou de celui des vivants. Et ce, comme autant de pièces d’un puzzle qui ne demande qu’à être reconstruit.

tkluSauf que les pièces ne se rassemblent pas, que le puzzle ne se reconstruit pas. La vérité est un faux semblant dans ce Tokyo vaincu .

Tokyo est une ville occupée, possédée. Par l’occupant, mais aussi par son passé venimeux. Car Tokyo est une ville empoisonnée par son histoire récente. Les chandelles éclairent une réalité terrible qui s’esquisse dans les ombres qu’elles projettent et qui renvoient à des unités spéciales qui ont œuvré en Chine, et à des pratiques expérimentales funestes sur l’être humain. Car Tokyo est une ville évanescente et occulte, où rôdent les fantômes d’un passé qui ne veut pas mourir et qui viennent maudire les vivants.

Tokyo a fermé les yeux, a brisé les miroirs. La ville refuse de voir, de reconnaître et de faire sienne une page d’histoire dont elle n’est pas sortie glorieuse et qui entache son passé millénaire. Alors la ville ignore, et se ment.

A travers ces pages lyriques et poétiques souvent incantatoires et qui relatent ce crime odieux commis dans une banque, c’est finalement un parallèle qui est fait avec la mécanique mise en œuvre par ce pays et ce peuple vaincu, pour se construire une autre histoire que l’on devine.

Comme l’explique parfaitement David PEACE dans une interview qu’il a accordée à France Culture dans l’émission « Mauvais Genre » c’est parce que les japonais ignorent encore aujourd’hui dancc by-nc-nd Bruno Monginoux www.photo-paysage.com & www.landscape-photo.nets leur grande majorité les exactions commises par l’armée impériale, qu’ils ont pu se construire une image de victime de la guerre (avec Hiroshima et Nagasaki) réfutant de fait celle de l’agresseur. Dès lors les japonais pouvaient entreprendre une reconstruction effrénée de la ville et du pays pour se lancer à corps perdu dans le développement économique à tout crins.

Mais le passé est un fantôme lui aussi qui parfois peut remonter à la surface et troubler les consciences.

C’est donc , un très grand roman qu’a enfanté David PEACE. Il devient incontestablement un auteur majeur du roman noir. Il maîtrise aujourd’hui à la perfection sa technique d’écriture, chaque fois réinventée.

Ce roman est un véritable coup de cœur, et j’attends donc avec une très grande impatience le troisième opus !

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copyright Hippo

20 Commentaires

  1. Yvan

    J’aime ton message peace and love 😉
    Comment rester insensible à une telle chronique, que dis-je, un tel cri du coeur !
    Va falloir que je comble une sérieuse lacune me concernant et que je lise un jour cet écruvain

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    • La petite souris

      joli jeux de mot Yvan, tu es en forme en ce moment dis moi ! 🙂 Ah oui il faut absolument que tu découvres cet écrivain qui de roman en roman continue de m’impressionner. Tu penses que l’auteur ne fera jamais mieux que le livre que tu achèves et le suivant est encore meilleur ! 3 rouge ou mort » est son suivant, il est complètement différent et pourtant il est lui aussi passionnant. Par contre le dilemme pour moi ( qui se pose avec un autre commentaire auquel je vais répondre après le tiens) c’est de savoir lequel conseiller pour commencer à découvrir l’auteur !!

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  2. lcath

    j’ai un faible pour les polars japonais , (après les polars scandinaves qui restent mes préférés), parceque la mentalité est différente. J’en ai lu qqs uns et le Tokyo de Mo Hayder , donc celui-ci me tente bien mais je vais les lire dans l’ordre et commencer par le premier

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    • La petite souris

      Ce roman se déroule au Japon, où l’auteur y a vécu ( je crois même qu’il y vit encore mais je suis moins sur) comme Mo Hayder si je me rappelle bien . Par contre je ne le qualifierai pas ce roman de « japonais » car même si l’auteur est un passionné de la culture japonaise et de l’histoire de ce pays, celui ci reste malgré tout emprunt de sa culture occidentale. Ce qui forcément biaise un peu l’approche qu’il peut avoir de ce pays. Toutefois cela en est aussi du coup fort intéressant. Les œuvres de David Peace peuvent se lire indépendamment les unes des autres, mais il y a tout de même une cohérence entre certaines d’entre elles. Ses premiers romans par exemple.  » Tokyo ville occupée » s’inscrit lui dans une trilogie dont le troisième tome n’est à ma connaissance ,et d’après les infos glanées auprès de copains fans comme moi de David Peace, pas encore écrit. Curieux alors de voir surgir  » Rouge ou mort » qui lui s’inscrit dans l’univers footballistique anglais. Si tu n’as jamais lu de David Peace peut être devrais tu lire ses premiers romans avant d’attaquer la trilogie japonaise. Cela te permettra entre autre de voir combien l’écriture de David Peace s’est patinée et combien il est aujourd’hui devenu un auteur britannique majeur. Maintenant tu peux aussi attaquer directement la trilogie japonaise, le choix t’appartient 😉 En tout cas, tu passeras un bon moment de lecture avec lui, quelque soit ton choix. Amitiés 😉

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      • lcath

        J’ai trouvé à la bib Tokyo année zéro que je me suis dépéchée d’emprunter …mais je n’en ai lu que 40 pages , l’écriture avec cette espèce de seconde voix m’a vraiment génée , je n’ai pas réussi à rentrer dans l’histoire …. dommage .

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        • La petite souris

          Quel dommage !! c’est vrai qu’il a un style bien particulier, que personnellement j’aime beaucoup. Tokyo, ville occupée, est sans doute plus accessible si tu as l’occasion. Sinon lis ses premiers, je pense que pour découvrir l’auteur c’est le mieux, d’autant que là ils sont de facture plus classique dans la forme. 😉

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  3. Guillome

    je n’ai jamais lu David Peace, je voulais m’y mettre cet automne ! et avec un article pareil, je n’ai qu’une envie c’est de lâcher mes livres en cours pour attaquer ! je peux donc commencer par celui-ci ? ou « rouge ou mort » qui me tente bien aussi ?

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    • La petite souris

      David Peace est dans mon panthéon litteraire guillome !! c’est dire !!!  » Rouge ou mort » est très différent . Il se déroule dans l’univers footballistique anglais, autour du club de Liverpool et de son entraîneur légendaire. Rien à voir donc avec la trilogie japonaise, mais là encore un style , une écriture très particulière ( j’y reviendrai dessus le moment venu). Alors lequel te conseiller ! dilemme comme je le disais à mon ami Yvan. Si tu n’as jamais lu Peace tu peux partir de ses premiers et remonter la chronologie, comme je le disais à Icath, tu verras ainsi l’évolution de la plume de cet écrivain incontournable. Mais comme je sais que tu t’attaches en plus de l’histoire à l’écriture elle même, tu peux aussi attaquer la trilogie japonaise. bon je sais que je te fais une réponse de normand mais demander à un fan de Peace de choisir un livre c’est une épreuve terrible 😉 ah, rouge ou mort est aussi très très bon 🙂

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  4. Jérôme Jukal

    David Peace est un grand, un incontournable pas toujours facile. Il faut s’accrocher, et se faire à son style si particulier.
    « Tokyo ville occupée » est sans doute l’un de ses plus originaux et peut-être l’un de ses plus réussis. Je viens de finir le suivant (hors trilogie japonaise) et c’est également un grand moment de lecture.
    Il est toujours bon d’en parler… et toujours agréable de lire ceux qui l’apprécient !

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    • La petite souris

      c’est vrai que notre bonhomme a un style très particulier, moi c’est justement ce qui m’a emballé à sa lecture. Tokyo ville occupée m’a littéralement scotché, j’ai été impressionné et j’avoue qu’étant en train d’achever Rouge et noir, je suis encore une fois sous le charme de cet écrivain incontournable à mes yeux ! Je viens de voir que tu avais écris justement une chronique sur ce livre ! je m’en réserve la lecture demain soir ( je vais courir jusqu’à mon plumart ce soir!)et ne manquerait) histoire de la siroter 😉 je ne manquerai pas de faire un retour vers toi quand j’aurai définitivement achevé le bouquin ! bon ceci dit j’espère que Peace va se décider à conclure sa trilogie japonaise, je piaffe d’impatience ! A très vite Jérôme !

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  5. Runbabook

    Je ne connais pas du tout David Peace mais le Japon est un pays qui me fascine et que j’ai découvert ( un petit peu ) à travers Mishima , Murakami , Mo Hayder aussi . L’Histoire particulière et le code d’Honneur rendent cette littérature unique , tout en subtilité ,symbole et poésie .
    David Peace propose une perspective nouvelle qui me tente bien… Peut-on commencer par cet ouvrage-ci ?
    🙂

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    • La petite souris

      bonsoir Françoise ! oui tu peux, tu as aussi le premier volet  » Tokyo année zero » , mais celui ci est mon préféré ! 🙂

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  6. Nath sous les pavés la page

    Une chronique magistrale.
    Bravo et bravo
    En forme le rongeur 😉

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    • La petite souris

      Merci Nath ! ca me va droit au coeur 😉

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  7. izagh

    Je n’ai pas eu le temps de venir sur ton blog depuis quelques temps et je le regrette : quelle chronique ! Je ne connais pas David Peace, je le mets dans mes auteurs à découvrir, encore un !

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    • La petite souris

      celui là, il ne faut pas passer à côté ! 🙂

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  8. ingannmic

    Ce David Peace est décidément trop fort. Ce titre est dans ma PAL mais j’ai lu le 1er volet il n’y a pas si longtemps et je laisse toujours quelques mois d’intervalle entre deux lectures de cet auteur, car elles sont en général éprouvantes (mais c’est ce qui fait aussi leur force..)

    A bientôt.

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    • La petite souris

      si tu as lu et aimé le premier volet, alors tu es une sacrée veinarde, car tu ne te doutes pas encore de l’immense plaisir que tu vas prendre à lire celui là !!! 🙂 Oui David PEACE est trop fort !!! amitiés

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  9. Jean

    Ah, ma petite souris, quelle chronique fabuleuse et je pèse mes mots.
    Pour ma part, j’ai commencé la lecture de David Peace par sa tétralogie dont je n’ai lu jusqu’ici que 1974, il y a déjà un certain temps. Un uppercut, décoiffant, une écriture avec laquelle il faut se familiariser mais quel bouquin! Un écrivain qui a une place tout à fait à part dans l’univers de la littérature policière mais quelle place ! Je vais sortir 1977 de mes rayonnages grâce à toi, petite effrontée. Et tu as droit bien sûr à ma toute grande amitié. Jean.

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    • La petite souris

      Merci mon ami ! venant spécialement de toi ca me touche beaucoup. Tu as bien fait de commencer par sa tétralogie qui est déjà excellente ! tu verras quand ensuite tu attaquera la trilogie japonaise combien l’auteur a su évoluer de manière magistrale dans son travail d’écriture ! quand enfin tu lieras Rouge ou mort, là rien a dire, c’est une énorme cerise sur le gâteau de tes lectures !!! que du bonheur !! bon c’est pas tout, mais il me semble que tu as publié une chronique, je vais de ce pas la lire 😉

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