TOURBILLON

07 avril 2021

Roman de

Shelby FOOTE

Édité chez

Gallimard

Date de sortie
4 mars 2021
Genre
Roman noir
Pays de l'auteur
U.S.A.
Traduction
Maurice Edgar Coindreau - Hervé Belkiri Deluen -Marie Caroline Aubert

Shelby Foote n’est peut-être pas le premier écrivain auquel on pense pour évoquer les plus grands auteurs américains. Pourtant celui-ci a construit une œuvre puissante qui, injustement, n’a pas eu en France, la lumière qu’elle mérite.

Il faut donc remercier les éditions Gallimard qui viennent de rééditer un des ouvrages de ce romancier que certains n’hésitent pas à comparer à l’immense Faulkner.

Publié aux États-Unis en 1950, « Tourbillon » bénéficie, de la traduction remarquable de Maurice-Edgar Coindreau et Hervé Belkiri-Deluen (et révisée ici pour l’occasion par Marie Caroline Aubert) .

On ne souligne jamais assez le rôle du traducteur dans la restitution de l’esprit et de l’univers d’un romancier étranger. De la qualité de son travail dépend bien souvent le succès du livre en librairie.

J’aime à penser que les très grands auteurs se reconnaissent, entre autres, à leur faculté à écrire un roman magnifique à partir d’une histoire des plus simples, ou d’une idée déjà mainte fois traitée par d’autres.

Ici l’affaire est on ne peut plus banale.

Eustis est un paysan désargenté du Mississippi. Avec son épouse et ses enfants, il cultive le coton sur un lopin de terre. C’est un besogneux emprunt de puritanisme, qui n’a pour seule distraction, que la lecture de sa bible qui ne le quitte jamais.

Un homme pieux semble-t-il qui pourtant va être touché par le démon de midi et tout abandonner pour filer le parfait amour avec une jeune femme que le destin à mis sur sa route.

Pour vivre celui-ci, il part se réfugier sur une petite île au milieu d’un lac, à quelques kilomètres de là.

Mais l’idylle ne dure pas longtemps. Rapidement Eustis est pris de remords, prend conscience qu’il vit dans le péché et souhaite quitter la belle. Elle ne veut pas. Elle qui était plutôt volage, est bien décidé à le garder près de lui.

Alors c’est le drame. Eustis la noie, leste la dépouille, et s’en retourne auprès de sa famille.

Malheureusement, le corps finira très vite par remonter à la surface. Eustis est arrêté et jugé.

Il n’y a pas de surprise dans ce roman. Pas de rebondissement ou de suspens à attendre.

 L’auteur pose les faits d’emblée, dès le premier chapitre. Dès lors c’est à un exercice narratif remarquable auquel il va se livrer.

L’histoire vue et rapportée par chacun des protagonistes, concernés de près ou de loin par cette affaire.

Car l’intérêt de ce roman n’est pas dans l’énigme meurtrière, il n’y en a donc pas, mais bien dans la galerie de personnages que l’écrivain va peindre à l’encre de sa plume.

Du journaliste qui couvre l’affaire, au témoin sourd et muet, du coupable à la victime, en passant par l’avocat et l’épouse d’Eustis, c’est une sacrée brochette que convoque l’écrivain.

Et c’est dans les yeux de ce Sud profond que Shelby Foote plonge son regard, et avec lui, celui du lecteur.

Un Sud imprégné de bondieuserie voire de superstitions, où les hommes ne maitrisent pas leur destin, mais sont les marionnettes dont se joue une puissance supérieure qui les dépasse et à laquelle ils se soumettent.

Sur cette terre, balafrée par son histoire meurtrière, où l’on vit dans la crainte de dieu, les préjugés et la folie ne sont jamais bien loin.

Shelby nous montre également un pays où la misère vous colle comme une seconde peau, et où le malheur semble se transmettre de manière héréditaire, comme le lecteur l’apprendra en découvrant l’histoire familiale d’Eustis.

Reste à accepter son sort, et ne pas dévier du chemin choisi par ce dieu qui sait se faire vengeur si l’on refuse de se soumettre à sa volonté.

 L’assassinat de cette jeune fille, qui apparait aux uns et autres comme une fatalité, un évènement constaté, mais qui n’émeut pas plus que ça (après tout ce n’était qu’une fille facile) est au final comme l’acte de rédemption d’un homme, Eustis, qui s’est un temps égaré et qui par ce sacrifice veut revenir et se rapprocher de dieu.

Somptueux roman que « Tourbillon » , dont la construction et le style ont tout du grand texte.

Voyage intime dans ce Sud enferré entre le bien et le mal, au milieu de ce peuple de peu et de misère, aux idées étroites et figées dans le temps.

Shelby Foote sait parfaitement mettre en relief ces gens du sud qui dans leur conception manichéenne et réduite du monde, deviennent avec les mots de l’auteur des personnages fascinants à côtoyer.

La réédition de cette œuvre remarquable rend un bel hommage à cet immense écrivain qu’il convient de découvrir ou redécouvrir.

De la très belle littérature.

ROMAN EN SERVICE PRESSE

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.