TRAFICS

11 février 2023

Roman de

Benoît SEVERAC

Édité chez

Pocket

Date de sortie
9 mars 2017
Genre
Roman noir
Pays de l'auteur
France

ACQUISITION:  LIBRAIRIE

La curiosité est un bien vilain défaut !

En suivant discrètement, et à son insu, son frère Nourredine dans les caves des immeubles de la cité des Izards à Toulouse, Samia, une jeune adolescente, ne se doute pas une seule seconde des évènements dramatiques qu’elle va provoquer.

Son frère est un chômeur qui prospère dans le trafic de drogue dont il inonde l’endroit et les alentours. A 23 ans il est le caïd de son quartier, et emploi dans son business des jeunes du coin, jusqu’au cadet de la famille, Mustapha, qui a 12 ans fait déjà le chouffe pour lui.

Sergine Ollard elle, a le moral en berne. Elle vient de se faire plaquer par le garçon avec lequel elle pensait pouvoir enfin construire quelque chose, et se trouve engluée dans son quotidien ennuyeux de vétérinaire de banlieue.

Pendant ce temps-là, Hamid Homane, qui à la base n’est sans doute pas un mauvais bougre, est tiraillé entre les doutes qui le traversent, et sa volonté de suivre son frère dans une action terrifiante, encouragée par les discours enflammés d’un iman . Un frangin qu’il admire et qu’il ne veut pas décevoir.

Tous vivent ou travaillent dans ce même quartier, sans jamais se côtoyer. Des mondes étrangers les uns aux autres et qui pourtant vont finir par se télescoper.

Dans cette cave d’immeuble où elle épie son frère, Samia le voit maltraiter à coup de pied un chien déjà mal en point. Quand il l’abandonne à son triste sort, elle décide de tout faire pour sauver l’animal, bravant ainsi l’autorité de Nourredine et s’exposant à son courroux s’il venait à découvrir qu’elle s’est mêlée de ses affaires.

C’est Sergine qui est de garde à la clinique véto  ce soir-là, et qui écoute les suppliques de l’adolescente pour qu’elle porte secours à ce chien en train d’agoniser.

Elle a bien conscience du bourbier dans lequel elle met les pieds, mais elle va aider Samia, prendre tous les risques pour aller récupérer cet animal martyrisé, car il émane de la jeune fille quelque chose qui touche profondément la vétérinaire.

Tandis que Samia rentre ensuite chez elle pour que son absence n’alerte pas son frère, Sergine va rapidement comprendre, radio à l’appui, que la pauvre bête sert en fait de mule à Nourredine et sa bande. Son estomac est rempli des sachets de drogue.

Mais pas le temps d’opérer le chien. Le lendemain les sbires du caïd font irruption dans la clinique et le récupèrent non sans menacer Sergine. Son cadavre sera retrouvé un peu plus tard, éventré.

Les flics vont bien sûr rentrer dans la danse, tandis que dans la cité les barbus radicalisés voient d’un très mauvais œil les activités de Nourredine.

Les Izards sont une poudrière. Tout est en place pour la déflagration. Et c’est une gamine qui risque bien d’ allumer la mèche.

Quand on aborde la question des banlieues, il est bien difficile de ne pas sombrer dans le piège du voyeurisme et du sensationnel, de ne pas en faire un portrait manichéen et simpliste.

C’est parce qu’il a vécu dans cette cité des Izards qu’il connaît bien, que Benoît Severac ne tombe pas dans ces travers.

C’est à hauteur de ces vies de citadins abandonnés, pris dans la misère sociale, les trafics, et les discours radicalisés qui finiront par engendrer des Mohammed Merah (lui-même originaire de l’endroit), que l’auteur nous donne une vision singulière de ces quartiers , dont celui des Izards n’est qu’un exemple parmi d’autres.

On retiendra de l’écriture de Benoît Severac le mot juste, l’absence de parti pris, l’économie du pathos indigeste, le rejet du jugement moralisateur, et le regard plein d’humanité qu’il porte sur ces être invisibles à la République.

On s’attachera à ces personnages féminins, si forts et parfois si poignants. Des femmes qui chacune à sa manière refuse la soumission, laissent jaillir le feu de la révolte en même temps qu’elles transpirent la peur.

C’est Samia, gamine promise à un mariage arrangé, qui étouffe sous le joug du frère et des traditions qui rêve de respirer à pleins poumons.

C’est Sergine qui voit dans cette adolescente cette détermination farouche qu’elle-même n’a jusqu’ici jamais eue pour relever la tête et se battre.

Enfin c’est Decrest la flic de terrain qui se désespère que le quartier soit sacrifié à la guerre des services, aux ententes illicites entre policiers et trafiquants dont certains servent d’indics, sans que personne ne voit s’approcher l’orage qu’apportent les nuages qui s’amoncèlent.

« trafics » est un roman inquiétant dans ce qu’il donne à voir de l’évolution de ces zones communément labellisées «  de non-droit ». Des quartiers rongés de l’intérieur par la violence et l’économie souterraine et qui sapent le lien social et le sens républicain.

Mais dans cette noirceur qui se propage, des éclats de lumières arrivent à scintiller, qui portent encore, à travers ces parcours féminins, l’espoir que tout n’est peut-être pas perdu.

 

4 Commentaires

  1. Pierre FAVEROLLE

    Salut mon ami, il me semble bien que je l’ai ce roman, quelque part caché sous les piles de livres ! Un jour, où j’aurais un week-end complet de libre, il va falloir que je fasse du rangement ! BIZ

    Réponse
    • La petite souris

      Si tu as ton roman dans ta garde-livres , lis le, je ne peux que te conseiller ! 🙂

      Réponse
  2. Violette

    J’avais beaucoup aimé ce polar très efficace. Je l’avais choisi parce que j’allais à Toulouse mais alors ce n’est pas du tout, du tout, un guide touristique 🙂

    Réponse
    • La petite souris

      Ah oui effectivement c’est le moins que l’on puisse dire ! 😉 🙂 j’espère que tu as bien profité de Toulouse quand même car c’est une super ville ! 🙂

      Réponse

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