LA FACE NORD DU COEUR

22 février 2021

Roman de

Dolores REDONDO

Édité chez

Gallimard

Date de sortie
28 janvier 2021
Genre
Policier
Pays de l'auteur
Espagne
Traduction
Anne PLANTAGENET
Avis
Coup de coeur

Vous le savez sans doute si vous avez l’habitude de fréquenter ce blog, je ne suis pas particulièrement fan des thrillers. S’il m’arrive d’en lire, et parfois d’en chroniquer, j’avoue que très rares sont ceux qui  me laissent un souvenir impérissable.

Quand le dernier roman de Dolorès REDONDO est tombé entre mes mains, je n’en attendais donc pas grand-chose, si ce n’est d’avoir un moment de distraction, qui une fois fini, serait vite oublié.

D’autant plus que je m’apprêtais à lire encore une fois une histoire de chasse au serial killer. Un énième ressassé déjà lu et relu.

Mais vous connaissez l’adage ? Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis !

Car ce roman est tout simplement remarquable ! Et ce, à plus d’un titre !

Pour ceux qui ont lu la trilogie de Betzan, ils auront sans aucun doute plaisir à retrouver Amaia Salazar, de la Police forale de Navarre. Notez d’ailleurs que « La face nord du cœur » se situe avant cette trilogie.

 La voici à Quantico , siège du FBI, où elle est venue prendre part à une formation de profiler dans le cadre d’un échange avec Europol.

Très vite son intuition et sa perspicacité insolentes et hors-norme la font sortir du lot. Au point que son instructeur, l’agent spécial Duprée va décider de l’intégrer provisoirement dans son équipe pour se lancer aux trousses d’un tueur insaisissable.

Ce dernier, surnommé « Le compositeur », décime des familles entières en procédant à leur mise à mort selon un mode opératoire bien précis. Il sévit à travers le pays au moment d’évènements météorologiques majeurs, laissant à penser aux autorités qu’elles ont été victimes de la catastrophe naturelle.

C’est l’agent spécial Dupré qui a flairé l’existence de ce tueur, en s’appuyant sur une approche singulière qu’il inculque à son équipe et à ses stagiaires lors des formations qu’il dirige.

Comptant donc sur le potentiel extraordinaire qu’il devine en la jeune policière basque, les voilà partis à La Nouvelle-Orléans.

Car nous sommes en août 2005, où un simple cyclone de niveau 1, prénommée Katrina, est en train de se transformer rapidement en  un monstre destructeur d’une force phénoménale , qui fonce droit sur la ville. Et c’est là que le tueur va sans doute à nouveau sévir.

Le drame ne fait que commencer.

Époustouflant ! c’est le mot qui me vient à l’esprit en refermant ce bouquin ! Je suis vraiment impressionné, et c’est bien la première fois depuis « Dragon rouge » de Thomas Harris, que je me fais avaler d’un coup d’un seul par un thriller !

Je disais plus haut que ce roman était remarquable à plus d’un titre et c’est le cas !

À commencer par le scénario. C’est sûr que lorsque l’on vous parle d’une chasse à l’homme pour mettre hors d’état de nuire un serial killer, vous gloussez doucement dans votre barbe en pensant bonjour la nouveauté ! Vous n’auriez peut-être pas tort en temps normal.

Mais cette fois, Dolores Redondo en se saisissant de cette banale entame, va créer quelque chose de beaucoup  plus fouillé, de plus dense, et vous offrir au final un roman d’une belle originalité. Exploit.

Celle-ci tient d’abord dans la complexité de l’histoire. Car à la chasse au tueur vient se greffer celle, personnelle, d’Amaia et dans une moindre mesure celle de l’agent Duprée.

 C’est sans doute pour avoir déjà traversé l’enfer que ces deux être traumatisés par leur passé respectif sont particulièrement sensibles au Mal et qu’ils sont devenus ces flics hors pair.

Et l’auteur d’alterner réalité présente et flashbacks, entre États-Unis et Pays basque.

 On découvre alors l’enfance cauchemardesque d’Amaia, déchirée entre mère qui la déteste et veut lui nuire, et un père dont la lâcheté tuera à jamais l’amour de sa petite fille.

Alors que trop souvent dans les thrillers les personnages sont creux et sans consistance, Dolores Redondo nous offre avec Amaia une héroïne incroyablement passionnante, d’une grande profondeur psychologique et au vécu bouleversant.

À la fois forte, émouvante et fragile, elle forge dans cette jeunesse balafrée un caractère et une conviction tenace.

Quant à Duprée pour lui aussi le passé vient tourmenter le présent.

Dolores Redondo n’est pas sans me rappeler d’une certaine manière John Connolly, écrivain qui joue régulièrement avec la frontière du fantastique.

On retrouve un peu de cela dans ce roman et dans ceux qui les ont précédés visiblement. Sauf que c’est avec les croyances locales que l’auteur nourrit son scénario. Du vaudou au Baron Samedi qui imprègnent la culture Cajun, et qui expriment à travers ces légendes, ici comme ailleurs, les craintes séculaires des hommes.

Au final cela donne un texte avec une tonalité toute singulière.

Enfin, rajoutons le talent narratif prodigieux de cette romancière, qui situe une grande partie de son livre durant le déchainement de l’ouragan Katrina.

Le lecteur se retrouve au cœur de cette catastrophe et de ses conséquences dévastatrices.

il est sur les barques naviguant dans les quartiers inondés, il voit ces corps flottants à la surface, les malheureux désespérés enfermés dans le stade de la ville ou réfugiés sur les toits, la violence qui s’abat sur les plus faibles, il ressent cette humidité et cette chaleur poisseuse qui colle à la peau,et sent ces odeurs d’eau saumâtre et de mort.

« La face nord du cœur » est un roman qui marque, car magistralement réussi. À côté, bon nombre de thrillers vous paraîtront ensuite bien fades. Et si vous n’avez pas, comme moi, eu l’occasion de lire la trilogie de Betzan, je ne doute pas une seconde qu’après ce bouquin, vous vous précipiterez dessus !

Dolores REDONDO est un auteur à découvrir ou redécouvrir d’urgence !

 

 

 

 

 

8 Commentaires

  1. CC

    Ah ! Je n’aurais pas dit mieux ! Ce roman est une découverte totale pour moi, car je n’ai jamais lu D. Redondo auparavant. Je n’ai pu lâcher le livre … Il est rare d’être à ce point embarqué ds une histoire. La dernière fois, c’était « My absolute darling ». Et oui, je vais lire la trilogie du Baztan sans trop attendre. Si c’est du même niveau, voilà de belles heures en perspective !

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    • La petite souris

      Merci beaucoup ! 🙂 et imagine le bonheur qui fut le mien alors que je lis très peu de thriller habituellement parceque je les trouve souvent trop superficiel dans la construction des personnages et avec un scénario bien fade. Là je me suis fait ballader et j’adore ca ! a bientôt j’espère ! 🙂

      Réponse
  2. Stéphane Furlan

    Merci pour cette chronique ! J’ai beaucoup apprécié ce roman. Le début m’a rappelé Le silence des agneaux dans la relation entre Amaia et l’agent Dupree qui évoque celle entre Clarice Starling et l’agent Crawford. L’enquête sur le compositeur emporte aussi l’intérêt, d’autant plus quand elle se déroule à La Nouvelle Orléans pendant l’ouragan Katrina. Le choix de cet environnement apocalyptique ajoute beaucoup de tension dans la narration, tout comme les intrigues secondaires teintées de fantastiques avec des références au Vaudou et à la sorcellerie du pays Basque. Bref, je recommande !

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    • La petite souris

      Bonsoir Stéphane ! Je suis très heureux que ce roman t’ait plu ! Effectivement il fait penser au debut au  » silence des agneaux » pour s’en écarter pour suivre son propre chemin. Ce mélange de croyances et de réalité n’est pas sans me faire penser aussi un peu à John Connolly, un auteur que j’adore. Je suis pas un grand fan des thrillers, mais je t’avoue que celui ci m’a effectivement scotché ! 😉 Amitiés

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  3. LIONEL

    Bonjour Bruno, encore une chronique alléchante, ensuite nos petits camarades Stéphane et CC décrivent aussi d’une façon attirante leurs critiques……….Tu parles de l’atmosphère à la John Connolly (que j’adore) peut être y aurait-il aussi du James Lee Burke (avec Robicheaux) ce dernier situant le plus souvent possible ses intrigues sur la Nouvelle Orléans, bref ceci expliquant cela je vais me pencher sur ce « Berceau » Dolores Redondo………………..
    Et encore et toujours SUPER MERCI pour cette chronique plus que bien remplie………………….Amicalement Lionel

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    • La petite souris

      Comme je l’ai dit mainte et mainte fois , je ne suis pas un grand fan des thrillers, mais celui ci je l’ai vraiment dévoré. Je pensais lire ses précédents cet été mais malheureusement je n’en ai pas eu le temps ! on verra dans le cours de l’année qui vient si j’ai le temps de m’y interesser. De ton côté n’hésite surtout pas , de même pour m’en faire un retour de lecture ! 🙂

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    • La petite souris

      bonjour François ( dis moi nous pourrions se tutoyer entre copains 813 non, qu’en penses tu? 😉 ). Merci pour ce retour et d’avoir mentionné mon avis dans ton excellente chronique ! sacré boulot dans lequel tu t’es lancé de parler de tous les romans en piste pour les trophées ! J’ai beaucoup aimé ce roman. Mon avis était peut être plus enthousiaste que d’autres , mais cela tient au fait je crois, que je lis peu de thriller ( je préfère le roman noir à la base) car je reviens souvent déçu. Alors quand je tombe sur un titre qui réussit à me séduire j’en parle avec entrain 😉 A bientôt !

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