L’ŒIL DU CHIEN ENRAGE

17 février 2021

Roman de

Yûko YUZUKI

Édité chez

Atelier Akatombo

Date de sortie
21 janvier 2021
Genre
Policier
Pays de l'auteur
Japon
Traduction
M. Beck et S. de Torquat

Après avoir chroniqué il y a quelque temps le roman d’Arimasa OSAWA « le requin de Shinjuku », me voilà reparti une nouvelle fois au Japon avec le dernier livre de Yûko Yuzuki.

« L’œil du chien enragé » est le deuxième opus d’une trilogie entamée avec « Le loup d’Hiroshima », mais les histoires peuvent se lire indépendamment les unes des autres.

Hioka est un jeune lieutenant qui a eu la chance de côtoyer le célèbre commandant Ogami, réputé comme le meilleur flic du Japon. Malheureusement celui-ci est décédé tragiquement au cours de l’enquête qu’ils menaient de concert et qui les avait conduits à s’intéresser au monde des Yakusas.

Après avoir témoigné sur les circonstances de cette mort brutale, Hioka se retrouve placardisé et envoyé végéter dans un village où rien ne se passe.

Cependant, à l’occasion des funérailles d’un de ses oncles, il retourne momentanément à Hiroshima et en profite pour aller voir Akiko, la mama-san d’un restaurant qu’il aimait fréquenter. Entre les deux existe une certaine complicité.

Mais ce qui aurait dû être une simple visite de courtoisie va prendre une autre tournure.

Dans une salle tatamis située au premier étage, des éclats de voix fusent. L’une d’elles interpelle Hioka. L’accent, la tonalité lui rappelle quelqu’un.

Montant les escaliers, il se présente et reconnait immédiatement Hirô Kunimitsu dit « le chien enragé ». L’homme est connu pour avoir été le commanditaire de l’exécution d’un important responsable yakuza, et pour ce fait d’armes il est activement recherché par toutes les polices du pays.

Hioka n’est pas en mesure seul, d’arrêter le truand et ses complices. Pourtant curieusement, celui-ci va lui faire une drôle de proposition. Le chef mafieux acceptera de se laisser appréhender si le policier lui donne le temps d’organiser ses affaires.

Revenu sur son lieu d’affectation Hioka retrouve sa vie et ses obligations professionnelles.

Son esprit est d’abord occupé par la pression qu’exerce sur lui un notable du coin qui verrait bien en lui le gendre idéal, tandis que sa fille Shôko, ne cesse de le couvrir d’attentions.

Tout en gardant à distance sa prétendante et son père, Hioka va rapidement entendre parler du redémarrage de la construction d’un golf, qui pourtant avait été abandonné depuis bien longtemps.

La curiosité de Hioka le conduira sur ce chantier où il va recroiser la route d’ Hirô Kunimitsu .

Mais cette fois-ci Hioka veut en avoir le cœur net et savoir ce qui se trame derrière tout ça.

Car des rumeurs de guerre de gang se font de plus en plus insistantes. Hirô Kunimitsu serait-il en train de manigancer quelque chose ?

C’est souvent à pas feutrés que l’on pénètre dans l’univers des écrivains japonais, avec une forme de nonchalance, bien loin de ces textes qui font la part belle à l’action, et qui délaissent régulièrement l’environnement ou l’épaisseur psychologique des protagonistes.

Ici l’auteur prend le temps de placer son décor et ses personnages, de créer une atmosphère singulière, où le lecteur va d’abord s’imprégner du quotidien, découvrir un monde à la fois si proche et si éloigné du sien.

Il y a ainsi quelque chose d’envoûtant, qui donne à penser que les choses vont et viennent à leur rythme. On se laisse facilement bercer par cette vie policée qui coule sans accroc, dans cette société normée ou les règles semblent immuables et s’imposer d’elle-même.

Mais derrière cette apparence de normalité, se cache une autre réalité extrêmement violente..

C’est à travers des articles de presse qui jalonnent le roman que le lecteur aura accès à l’envers de ce décor trop lisse. Le procédé rend d’ailleurs le décalage plus saillant encore.

Règlements de comptes, assassinats, chantage, complots et trahisons, la mafia japonaise n’a rien à envier à celle d’Italie ou d’Amérique.

À travers la relation entre Hioka et le truand Hirô Kunimitsu , il découvrira cependant toute l’ambigüité qui anime les rapports entre le monde des yakuzas et celui de la police.

 Un mélange fait de respect, d’admiration, voire de connivence, mais aussi de crainte.

 Reste pourtant pour le lieutenant cette volonté farouche de mettre hors d’état de nuire ces malfrats dont les organisations gangrènent la société japonaise. Une lutte incessante, où le combat se fait à fleurets mouchetés.

Pour le lecteur le dépaysement est complet. Bien qu’étranger à cette culture, aux mœurs et aux codes de cette contrée du monde, le voilà qui y est plongé par la magie de l’écriture de Yuko Yuzuki qui associe parfaitement la description d’une vie banale à des évènements qui le seront beaucoup moins.

« L’œil du chien enragé » est un roman d’atmosphère, qui prends le temps de dérouler une histoire bien plus complexe qu’elle en à l’air de prime abord, autour d’un personnage qui n’a rien du dur à cuire que l’on croise souvent dans les polars, qui aux muscles et aux rapports de force, préfère mettre son intuition, sa malice et sa détermination au service de son enquête.

Dans un genre déjà polyphonique,la littérature policière japonaise  apporte un regard et un ton des plus originaux.

 Et à côté d’un Keigho Higashino ou d’un Arimasa Osawa, nul doute que Yuko Yuzuki en est un des meilleurs porte-voix.

2 Commentaires

  1. belette2911

    Coucou, je l’avais surligné, il me tentait bien, ce roman japonais… Maintenant, yapuka l’acheter et le lire ! 😉

    Réponse
    • La petite souris

      Si tu aimes les romans asiatiques en général, et japonais en particulier je pense qu’il ne te décevra pas ! tu avais lu son premier publié en France,  » le loup d’hiroshima »? 😉

      Réponse

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