LA FEMME PARADIS

18 mars 2023

Roman de

Pierre CHAVAGNE

Édité chez

Le mot et le reste

Date de sortie
6 janvier 2023
Genre
Nature writing
Pays de l'auteur
France
Avis
Coup de coeur

Elle est ressortie victorieuse d’une défaite. N’est-ce pas cela la vie ?

144 pages, pas plus. 144 pages d’un bouquin qui, du haut de ses quelques chapitres, vous subjugue par sa poésie et par l’histoire qu’il vous conte.

Le monde est parti en vrille. Guerre, catastrophe naturelle ou industrielle, on n’en sait rien, toujours est -il que la société s’est totalement liquéfiée, effondrée.

Une femme sans passé survit au cœur de la forêt. Nous ne lui connaîtrons pas de prénom. Tout juste apprendrons-nous qu’elle fut infirmière dans une autre vie.

Elle a fui le chaos des hommes pour y trouver refuge, en empruntant « les chemins noirs de l’oubli ».

Elle vit là depuis quelques années maintenant, et s’est adaptée à son environnement. Elle s’est aménagé une grotte devant laquelle un promontoire lui permet d’embrasser l’horizon.

« Elle s’est réfugiée dans la nature contre la ville, dans la solitude contre la société, dans l’oubli contre la mémoire. Elle a créé son propre paradis, sa grotte est son ermitage. Recluse dans l'immensité, elle a choisi l'envers du monde. Elle s'est aventurée trop loin des hommes pour revenir. »

Une existence austère, rude, simple, mais en osmose avec une nature, tantôt alliée, tantôt rebelle et menaçante, dans laquelle elle se fond. Une vie rythmée par la succession des jours et des saisons, faite de pêche, de maraichage et de chasse, en s’imposant une discipline de fer.

« … accepter d’être au monde et travailler à sa propre survie jusqu’au soir. Et le lendemain, recommencer. »

Sa force, elle la tient des mots. A l’écriture et à la lecture qui l’aident à ne pas se dissoudre et la retiennent comme un fil ténu à cette humanité à laquelle elle a jadis appartenu.

Elle rédige un journal dans lequel elle décrit son existence, transcrit ses émotions et ses réflexions.

Son univers est magnifique et sublime, sans qu’il ne soit jamais pour elle une promesse. Seul le présent compte. Et survivre. Même si…

« Survivre à tout prix est harassant. C'est une surveillance constante, une discipline qui laisse peu d'espace à la sensibilité. Elle en a assez. Quand les probabilités sont contre vous, l'unique règle consiste à ne pas lutter en vain - question d'élégance. Accepter la défaite, accueillir la vie qui vient et laisser le courant glisser sur vous jusqu'à ce qu'il se lasse. Les humains épuisent leur vie à remonter le courant, à refuser de flotter jusqu'à la mer. Pour ne pas disparaître, ils s'agitent et abîment tout. »

Mais c’est une femme toujours aux aguets. Elle veille jalousement sur son espace, le parcours régulièrement et l’a parsemé de dispositifs d’alerte, témoignant d’une intranquillité constante, d’un qui vive qui l’oblige à l’action permanente.

Alors quand dans cet univers végétal et minéral dont elle a fait sien, survient une détonation qui déchire la quiétude de son univers, c’est l’alarme. La menace de l’Autre. La dissonance du monde d’avant qui surgit. Et les souvenirs.

«  Elle avait vécu une longue période de tranquillité aussi calme et limpide que l’eau du bassin ; son corps, ses pensées et ses actes s’étaient accordés aux pulsations de la forêt. Depuis que la détonation a emporté la quiétude des jours, les évènements se sont précipités, s’engendrant à un rythme effréné, se fracassant sur elle de manière inattendue. »

C’est à partir de ce coup de feu qu’elle va ressentir l’urgence d’écrire, de coucher ses propres mots.

Pour laisser finalement sa trace au monde.

Et pour elle, il n’est pas question que ce qui fut redevienne ce qui est, le passé à nouveau le présent, et elle est prête à tout pour préserver son Nouveau Monde, fut-ce au prix de l’irréparable.

C’est avec une écriture sobre, dépouillée, que l’auteur dessine une héroïne troublante qui n’a pas de nom , dont il ne dresse aucun portrait , et qui porte en elle bien des peurs enfouies.

Un personnage dont le passé remontera à la surface de sa conscience par bribes et qui finira par la pousser à s’offrir définitivement à la nature.

Pierre Chavagné nous offre un roman magnifique, somptueux, et d’une incroyable poésie. C’est à chaque page que j’aurai pu facilement extraire un passage pour agrémenter cette chronique afin de vous faire goûter à la musique et la poésie des mots de l’auteur.

Un texte sous tension, plein de mystères, qui alterne harmonieusement entre la douceur et la violence et qui magnifie magistralement la nature !

Le genre de roman qui vous trotte longtemps dans la tête et qu’une fois lu, l’on garde précieusement dans sa bibliothèque comme un trésor enfoui !

ACQUISITION: LIBRAIRIE

6 Commentaires

  1. Ingannmic

    C’est tentant, même si la thématique, devenue très redondante, finit un peu par lasser… je note que celui-ci vaut au moins le détour pour son écriture.

    Réponse
    • La petite souris

      Kikou toi ! je ne sais pas si la thématique est redondante, je n’ai pas lu récemment d’autres romans sur celle ci , mais en tout cas ce roman de Pierre Chavagné est vraiment très beau du point de vue de l’écriture, mais de l’hisoire aussi qui est quand même originale. Si tu fais finalement le saut tu me diras ce que tu en auras pensé.bisou 😉

      Réponse
      • Runbabook

        Hello Bruno , effectivement ce roman est très tentant .
        Vu de loin j’y perçois en filigrane David Vann ou Cormac McCarthy , peut-être à tort.
        Sombre mais beau duquel on ressort  » marqué ».
        😉 j’irai voir de près.
        J’en profite pour te remercier du foisonnement de sorties de début 2023.
        Amicalement
        A bientôt, bises de la Réunion

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        • La petite souris

          Bonsoir Françoise ! toi qui est une fidèle du site depuis longtemps tu sais que j’ai le coup de coeur radin ! Alors quand j’en annonce un, c’est que le roman m’a vraiment touché ou emballé. Là il parvient aux deux ! Franchement, n’hésite pas tu ne le regrettera pas, et peut être même que tu m’enverras de gros bisous de la Réunion pour me remercier d’avoir insisté ! 🙂

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  2. Violette

    je me méfie un peu du genre apocalyptique mais tu as le don de titiller ma curiosité. (ça me fait penser à L’ours de Krivak)

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    • La petite souris

      ah il va te plaire j’en suis sûrt ! c’est un court roman en plus, mais vraiment moi j’ai eu un vrai coup de coeur ! je n’ai pas lu « L’ours » de Krivak , je ne peux pas te dire si ca s’en rapproche par contre ! J’attends ton retour de lecture avec impatience ! 🙂

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