A mesure que je lis les romans de Victor Del Arbol, je réalise toujours un peu plus combien j’ai affaire à un auteur des plus singuliers. C’est avec un vrai plaisir que je suis retourné arpenter son univers original à l’occasion de la parution cette année de son nouveau roman « La veille de presque tout ». Et je dois dire qu’une nouvelle fois j’ai été subjugué par cette plume hors du commun.
Tout d’abord, j’ignore si la traduction des titres par l’éditeur Actes Sud ( « La tristesse du samouraï », «La maison des chagrins », « Toutes les vagues de l’océan ») est fidèle aux titres originaux ( l’auteur est espagnol si cela avait toutefois échappé à quelqu’un) toujours est-il que je les trouve très beaux et qu’ils portent déjà en eux une charge poétique qui ne laisse pas insensible, une promesse pour le lecteur qui a décidé de s’aventurer dans les pas de l’auteur.
Son écriture, ses histoires sont souvent emprunts de tristesse, de nostalgie et de souffrance, évoquent le bien et le mal et la quête désespérée de rédemption, et j’avoue que c’est pour moi, ce qui fait tout particulièrement le charme de cet écrivain catalan.Et ce dernier opus n’échappe pas à la règle.
Difficile de résumer une histoire comme celle de « La veille de presque tout », d’autant le roman en mêle plusieurs, tout en nouant entre elles des époques différentes et convoque des lieux tempétueux ou chargés de d’histoire pour servir d’écrin aux destins des personnages.
Ceux d’êtres humains qui ont tous en commun de porter en eux une souffrance, une blessure engendrée par l’histoire politique de leur pays ou par leur propre parcours, celle de l’absence d’un être cher parti brutalement, des séquelles d’un chemin que l’on regrette d’avoir emprunté ou au contraire que l’on assume jusqu’au bout.
C’est la vie d’Oliviero et Mauricio dont l’amitié s’est fracassé sur les récifs de la dictature argentine des année 70-80 qui fera de l’un une victime et de l’autreun bourreau, torturé et tortionnaire qui , bien des années plus tard vont devoir se parler.
C’est Eva Malher riche héritière qui a vu sa fille Amanda disparaître enlevée et tuée par un pédophile trois ans plus tôt qui depuis s’abîme dans des relations sulfureuses et périlleuses pour se prouver qu’elle peut souffrir encore et qu’elle est donc encore vivante.
C’est Germinal Ibarra, flic de son état, celui-là même qui retrouva l’assassin d’Amanda et qu’il tua sans autre forme de procès. Un homme qui se dissout peu à peu dans une conscience qui le ronge et le fait tutoyer tous les soirs le canon de son arme de service.
C’est aussi cette petite fille qui rêvait de voler comme un oiseau et ce petit garçon pas comme les autres, qui grandira tout seul, un fantôme pour seule compagnie.
Avec « La veille de presque tout » Victor Del Arbol nous offre un roman plus dense et peut être plus intimiste que ses précédents.
Abordant des thèmes aussi variés que l’identité, les remords, l’amour, la filiation, il s’interroge, à travers ces différents personnages d’une incroyable épaisseur, sur la difficulté à continuer à exister quand on porte en soi les stigmates de l’histoire ou de ses choix antérieurs, tiraillés entre vengeance et culpabilité.
Mais peut-on se détacher de son passé pour continuer à vivre ? Que reste-t-il quand la vengeance ne permet pas d’effacer ce qui a été gravé dans la chair et les mémoires, ni de réécrire ce qui a été déjà écrit ?
Reste alors le pardon. Pardonnez à soi-même. Pardonner à l’Autre. Lui expliquer la souffrance qu’il a laissé derrière lui, du vide dont il a entouré ceux qui restent, et avoir encore à offrir au monde sa propre humanité pour transcender le mal, s’en libérer et s’évader des fantômes pour faire encore partie des vivants.
Magnifique roman que « La veille de presque tout », si beau et terriblement émouvant, transportant son lecteur aux quatre coins du monde dans des paysages sauvages et somptueux, au gré d’histoires personnelles tragiques, où le mal danse avec la beauté dans un corps à corps, aussi langoureux que venimeux.
Mêlant habilement le présent et le passé, la souffrance des uns et des autres, et cette rage à vivre commune à bien des personnages de son histoire il réussit encore une fois une alchimie parfaite qui donne à son texte toute sa charge émotionnelle.
A cela s’ajoute une résonance poétique que viennent confirmer des scènes de toutes beautés qui ne manqueront pas de frapper l’imaginaire du lecteur.
Victor Del Arbol ne cesse de surprendre et de s’affirmer comme un auteur majeur de sa génération, un auteur qui lui, a des choses à dire et à raconter. Et comme conteur on peut difficilement ne pas se laisser subjuguer par ce virtuose des mots !
Voilà le troisième avis que je lis aujourd’hui sur ce roman 🙂
Ils sont tous assez enthousiaste, inutile de te dire que tu enfonces le clou 🙂
n’hésite pas Nathalie, fonce !! 🙂
Très joli article que je me suis permis de signaler sur la page Face-book des amis qui aiment Victor del Arbol (suivie par l’auteur) . Pour ce qui est des titres.. non ce ne sont ps les mêmes..
la maison des chagrins était à l’origine » respirer par la blessure » ( Le titre fait référence à une phrase de Francis Bacon « Celui qui s’applique à la vengeance garde fraiches ses blessures » )
Toutes les vagues de l’Océan était « Un million de gouttes » laissant entendre qu’une goutte plus une goutte forment un océan..
Le dernier est par contre une traduction littérale 😉
Merci Catherine, tu es la deuxième à me donner l’info et je t’en remercie toi aussi ! Merci egalement d’avoir signaler l’article sur facebook c’est très gentil à toi ! 😉
Mon mulot, toi aussi tu es sensible à la plume de Victor. C’est vraiment un auteur singulier, et je partage ton avis en tous points.
Pour répondre à ta question, les titres des ses romans sont la traduction littérale des titres originaux sauf:
La maison des chagrins qui est « Respirer par la blessure » et Toutes les vagues de l’océan qui est « Un million de gouttes ».
Amitiés, mon Bruno…
Merci mon ami pour ces précisions, ceux modifier par Actes Sud sont quand même plus poétiques ! ils ont bien fait ! 🙂
c’est pas Actes Sud qui a modifié.. C’est le traducteur …
il fallait entendre « Acte Sud » au sens large ….traducteur inclus 🙂 mais tu as raison ! 😉
Très chouette chronique , profonde et sensible , qui associée à l’interview lue dans Sang-Froid me donne vraiment envie de découvrir cet auteur .
😉
Merci Françoise !!! il faut absolument lire Victor Del Arbol, franchement !!! 🙂
Je viens de le terminer et comment dire ? il n’a pas un livre de cet auteur qui ne m’émerveille pas .
C’est uyn univers original et bien à lui que construit Victor del Arbol au fil de ses romans publiés ! Une plume à part que j’apprécie énomément. Heureux de savoir que je ne suis pas le seul ! 🙂