Je dois la lecture de ce sympathique roman aux éditions Genèse qui ont eu la bonne idée de me le mettre entre les mains, et sur les conseils avisés de mon amie Velda, blogueuse de son état que je remercie au passage. Car en effet, l’escapade aura été des plus intéressantes.
Je n’ai pas l’habitude de traîner mes guêtres de lecteur du côté de la Roumanie. Pourtant, les rares fois où je l’ai fait (“Spada”) j’en suis revenu satisfait, avec la promesse d’y retourner dès qu’une occasion se présenterait à moi.
Cette occasion, c’est donc George Arion qui me l’offre aujourd’hui avec son livre « la vodka du diable ».
Je ne connaissais pas jusqu’ici cet écrivain qui publie en France son troisième roman, le second avec pour personnage principal Andreï Mladin.
Nous sommes dans les années 80. En Roumanie comme ailleurs à l’Est du rideau de fer, les dictatures communistes ne sont pas encore tombées, et le pays vit toujours sous une chape de plomb, et pour la presse le mot liberté est encore un mot à inventer.
C’est dans ce contexte qu’Andreï Mladin, journaliste, est envoyé dans une petite ville de province, Marna, pour réaliser un reportage à la gloire de l’agriculture du coin.
Celui-ci se remet d’une aventure des plus traumatisantes et périlleuses qui débuta à l’époque par la découverte chez lui d’un cadavre dont il ne savait que faire ( cf « qui veut la peau de Andreï Mladin ») et qui l’avait emmené sur bien des chemins tortueux pour se dépêtrer de cette salle affaire.
Cette virée à la campagne est donc bien fade à côté et n’a rien de bien excitant pour lui. Pour rajouter une dose d’enthousiasme à notre journaliste, la météo joue les capricieuses en déversant sur ce coin perdu de Roumanie une pluie incessante et froide.
Malgré tout notre héro s’atèle à la tâche tout en faisant de bien curieuses rencontres.
Une belle créature qu’Andreï n’a que les moyens de dévorer des yeux.
Un drôle d’énergumène qui le menace d’un couteau de pacotille tout en claironnant à tue-tête dans une trompette ! Mais de menace, il n’y en a pas vraiment. Andreï a fait la connaissance de Miron, un benêt inoffensif, qui mets dans les rues de celui-ci un peu d’animation.
Un garçon pourtant autrefois brillant qui s’était promis de réussir dans la vie pour sortir sa mère de la misère et qui du jour au lendemain bascula dans une forme de folie.
Il y a aussi Timofte, l’ancien gardien de l’usine, vieil homme devenu alcoolique. Celui-ci aurait d’ailleurs des révélations à faire au journaliste. Malheureusement celui-ci n’aura pas l’occasion de transmettre ce qu’il avait à dire.
Et c’est là que le déplacement d’Andreï en province va prendre une autre tournure.
Le vieux Timofte est en effet retrouvé assassiné. Et si un temps les soupçons de la police se sont portés sur le journaliste, celle-ci a tôt fait de trouver en Miron, l’idiot du village, le coupable idéal ! N’a-t-on pas retrouvé son petit couteau sur les lieux du crime ainsi que ses empreintes ?
Pour Andreï, les faits et les éléments de cette affaire s’emboîtent bien trop facilement. Son intuition le pousse à gratter la surface des choses, d’autant que la mère de Miron vient le supplier de l’aider à prouver l’innocence de son fils emprisonné.
« La vodka du diable » est un roman à énigme classique, que d’aucun appellerait « Whodunit ».
A l’heure ou le thriller truste les tables des libraires et où l’on mesure l’impact d’un roman aux litres d’hémoglobine déversés, aux scène spectaculaires qui égrènent les pages, George Arion vient nous démontrer de fort belle manière qu’avec une histoire classique, un scénario et les codes du genre parfaitement maîtrisés, il est encore possible d’offrir à son lecteur un vrai plaisir de lecture.
« La vodka du diable » fait partie de ces romans sobres, épurés, qui délivrent un plaisir simple, basique je dirai presque originel au lecteur.
Il y a dans la plume de George Arion du Chandler ou du Boileau-Narcejac , un écrivain qui est aussi dramaturge, et poète.
Et de la poésie son roman n’en manque pas. Avec aussi de l’humour il peint dans son roman une ville roumaine désenchantée, une réalité triste d’une Roumanie qui attend de revoir le soleil.
Non sans malice et causticité il soulève le voile sur celle-ci et sur ses maux, à travers cette petite ville de province, bien loin des canons de propagandes qui ont semblé un temps jusqu’à tromper l’Occident sur la réalité d’un pays que l’on voulait croire plus tolérant et plus libre que ses pays frères.
Un régime rongé lui aussi par la corruption, où la magouille et la collusion avec une certaine forme de mafia reléguait l’intérêt général bien loin dans les priorités des dirigeants.
Roman policier qui se pare parfois des habits de la fable politique, « La vodka du diable » est un roman qui ravira les amateurs du genre et qui offrira au lecteur la vision d’un pays bien mal connu et pourtant si proche de nous.
Salut mon ami, j’avais lu le précédent, et je lirai avec plaisir celui ci. Il faut savoir qu’il est passé à travers les mailles de la censure, en étant plus subtil que le gouvernement de l’époque (qui invitait Giscard à la chasse à l’ours, soit dit en passant). Comme quoi, les costards à 13 000 € … Amitiés
salut Pierre ! je savais que tu avais lu le premier, je me suis d’ailleurs appuyé sur ta chronique de l’époque pour évoquer sommairement la première histoire de ce personnage fort sympathique. 🙂
Intéressante chronique, mon mulot, qui donne envie de découvrir d’autres horizons que ceux de notre hexagone. Je note ce George Arion dans un petit coin, et si un de ses deux romans me passe entre les mains, je me ferai un devoir de le découvrir.
Amitiés.
je pense que c’est un auteur que tu auras plaisir à lire mon Vincent ! 🙂
C’est une très belle chronique! Un grand merci!
Dans mon roman la pluie c’est une métaphore – elle exprime le regime sombre des annes 1980.
Bonsoir George. Je suis très honoré de votre passage sur Passion Polar et de ce petit mot sympathique que vous y laissez. Belle métaphore en effet que vous avez choisi là pour exprimer ce régime heureusement aujourd’hui disparu ! Au plaisir de vous croiser un jour au détour d’un salon ! 🙂