TRAVERSER LA NUIT

21 mars 2021

Roman de

Hervé LE CORRE

Édité chez

Rivages

Date de sortie
20 janvier 2021
Genre
Roman noir
Pays de l'auteur
France
Avis
Coup de coeur

J’ignore ce que sera la production littéraire des prochains mois, mais ce dont je suis certain, c’est que le dernier livre d’Hervé Le Corre fera partie incontestablement des meilleurs ouvrages publiés en 2021.

Il y a longtemps que l’auteur est une valeur sure du roman noir français, pour ne pas dire tout simplement, un des maîtres du genre.

Le Corre c’est l’écrivain des cabossés, des losers magnifiques, de ces êtres balancés dans les cordes de l’existence et qui n’ont plus que leur humanité sur les os.

 Il n’est pas sans me rappeler un peu Bukowski qui a toujours préféré les perdants, les gueules cassées, les abîmés qu’il arrivait si bien à magnifier sous sa plume.

« Traverser la nuit » n’est pas une invitation au voyage,ni une pérégrination nocturne et touristique dans les rues bordelaises.

Cette traversée, c’est celle de l’enfer des hommes, du mal qu’ils ne peuvent s’empêcher de répandre autour d’eux, qui font souffrir pour exister, qui détruisent par représailles, qui tuent pour se libérer ou fuir.

Un mal qu’ils subissent aussi parfois.

Pour certains d’entre eux, la vie est un acharnement. Des pas grand-chose qui ne sont encore debout que par l’énergie du désespoir.

Voyez l’homme.

Il est flic. S’appelle Jourdan. Il traîne derrière lui des années de boulot, à croiser les victimes et les assassins. Il est usé et désabusé.

Il a vu plus de misère, de sang et de cadavres qu’il ne peut en supporter. Chaque investigation, chaque homicide sur lequel il a enquêté l’ont progressivement démuni de ses convictions et de ses illusions.

 Le mal triomphe toujours et lui ne peut que constater chaque jour son impuissance. Son couple se disloque tant il est devenu une ombre pour sa femme.

La misère et la violence des lâches, à l’image de ce père de famille qui massacre ses enfants sans avoir le courage de partir avec eux, le révolte encore, mais sa colère se heurte  au désespoir qui le ronge.

Voyez la femme.

Elle y avait cru, Louise.

Des rêves d’études d’infirmière ou de professeur des écoles, avant que la vie ne décide de la larguer et de la planter au bord de la route.

Des parents morts quand elle était très jeune, de mauvais choix ensuite, la drogue, l’alcool, et l’affaire était entendue. Maintenant elle s’occupe d’aider des petits vieux chez eux, un job qui lui permet de survivre.

Elle avait même cru à l’amour, Louise. Jusqu’à ce que les coups se mettent à pleuvoir.

Aujourd’hui elle vit seule avec son fils Sam, son unique lumière dans cette vie plombée. C’est pour lui qu’elle a décidé de remonter la pente.

 Un petit bonhomme qui se prend pour un super héros capable de protéger sa maman en montant la garde devant la porte, sa peluche sous le bras, pour la préserver de la violence de Lucas, son ex.

C’est lui qui l’a quitté. Mais il continue de la surveiller, et à lui tomber dessus au moment où elle s’y attend le moins. Car il l’aime encore. C’est ce qu’il lui dit à chaque fois, avant que les coups et les insultes ne s’abattent à nouveau sur elle.

Une vie de terreur, où elle tient uniquement par l’amour de son gamin.

Voyez le monstre.

Il tue. Des femmes qu’il massacre avec une férocité absolue au gré de ses pulsions.

Il porte un prénom. Christian. Un ancien militaire revenu traumatisé d’Afrique, et qui ne trouve pas sa place.

Une inadaptation accentuée par une enfance marquée par une mère castratrice et incestueuse qui le traitait davantage comme un animal que comme un fils.

Un monstre qui fut une victime avant de devenir un bourreau.

Difficile dans ces conditions de sortir de la nuit. Celle où s’exerce la violence des hommes, de leur haine envers leurs semblables, et donc envers eux-mêmes.

 Violence faite aux femmes, aux plus démunis face à la vie qui sait si bien se faire chienne.

Au bout de la nuit, le jour ne se lève pas.

« Traverser la nuit » est un roman dur, terrible, implacable, d’une noirceur incandescente.

Nous suivons ces trois destins qui pour certains se croiseront, avec une féroce empathie pour ces êtres en souffrance, personnages incroyables nés sous la plume d’un auteur qui écrit leurs histoires à l’encre de la désespérance.

C’est beau, c’est magnifique et sublime. C’est à la fois poétique et d’une tristesse infinie.

On sait que tout ça finira forcément mal, même si la rencontre de Louise avec Jourdan laisse entrevoir un instant un espoir de lumière.

Mais une lueur dans la nuit ne suffit pas à éclairer le ciel.

14 Commentaires

    • La petite souris

      bonsoir Simone ! Merci beaucoup ! le genre de bouquin qu’on aimerait lire plus souvent ! 🙂 Amitiés

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    • Philippe

      Je l’ai lu et apprécié.
      Cependant je trouve la fin bâclée. Le sort du « héros » est scellé en 3 pages…regrettable.
      Qui plus est il est totalement anormal qu’il se soit rendu seul chez la mère du suspect, surtout sachant avoir à faire à un tueur redoutable et violent et la mère de ce dernier potentiellement complice et psychiatriquement atteinte !
      De même, l’appel de la voyante concernant l’identification du frère du tueur aurait immédiatement dû faire tilter l’enquêteur qui l’avait reçu puisqu’il était question d’un frère !
      C’est dommage.

      Réponse
  1. Nico

    Superbe billet ! Merci beaucoup !

    J’ai fini le livre hier, il est magnifique, c’est une grande tragédie.

    Hervé Le Corre est un auteur incontournable dans le roman noir.

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    • La petite souris

      Merci beaucoup Nico !!! tu t’en doutes je suis entièrement d’accord avec toi !! sublime, magistral ! 😉

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  2. PONDANT Robert

    Bonjour Bruno,

    Que voilà une belle chronique pour un beau livre que j’espère découvrir bientôt !

    J’avais superbement apprécié « Après la guerre » ainsi que  » Les coeurs déchiquetés » et celui-ci

    semble être de la même veine.

    J’espère que tout va bien chez toi ( autant que faire ce peu!)

    Amitiés

    robert

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    • La petite souris

      bonjour mon ami ! merci pour ton compliment qui me va droit au coeur tant je sais qu’il est sincère ! je vais bien, j’espère qu’il en est de même pour toi ! en ce moment je suis dans une periode où je dévore les bouquins ! 🙂

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      • PONDANT Robert

        tant mieux! A l’occasion, trouve-toi le temps pour « Armel Job » !!

        voici quelques suggestions

        XXXX Dans la gueule de la bête
        XXX De regrettables incidents
        XXXX En son absence
        XXX Et je serai toujours qvec toi
        xxx La disparue de l’ïle Monsin
        xx Le bon coupable
        XX Les eaux amères
        xxx Les fausses innocences
        xxx Loin des mosquées
        XXXX Tu ne jugeras point
        XXX Une drôle de fille
        XXX Une femme que j’aimais

        Sinon tout va bien j’ai reçu mon premier vaccin

        A te lire bientôt

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        • La petite souris

          Fichtre !!!! comment veux tu que je lise tout ca !! je ne suis pas un chat mon Robert, je n’ai qu’une vie 🙂 je t’ai promis de le lire et je tiendrai promesse, mais je le lierai cet été qd je serai tranquilou en vacances car je suis overbooké côté lecture et ces prochains mois je vais être professionnellement très pris.Mais sache que j’ai un gros pot-it sur mon tableau avec le nom d’Armel Job ! 🙂 Amitiés

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  3. Florence CHOQUET

    J’ai hâte de le lire

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    • La petite souris

      n’hésite pas à venir m’en faire un retour !!! 🙂

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    • La petite souris

      Oh un matou qui vient rendre visite au site de la Petite Souris !!! voilà qui est cocasse ! 🙂 si tu aimes les romans noirs, celui là est sans doute ce qui se fait de mieux en ce moment ! alors n’hésite pas, fonce ! crois moi tu ne le regretteras pas ! 🙂

      Réponse

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