ILS VIVENT LA NUIT

24 mars 2021

Roman de

Dennis LEHANNE

Édité chez

Rivages

Date de sortie
20 mars 2013
Genre
Policier
Pays de l'auteur
U.S.A.
Traduction
Isabelle MAILLET

Dennis LEHANE n’est plus un auteur à présenter, tant il est aujourd’hui une des valeurs sûres du roman noir américain.

 Rendu célèbre auprès d’un large public grâce à l’adaptation cinématographique de certains de ses livres comme « Mystic River » ou l’excellent « Shutter Island », il construit au fil de ses romans une œuvre originale et de grande qualité.

Depuis son génial « Un pays à l’aube », épopée bostonienne campée au début du XXe siècle, l’écrivain semble avoir pris en effet une dimension supérieure avec ce besoin impérieux de raconter sa ville, et à travers elle l’histoire de son pays.

Remisant son duo Kenzie – Gennaro (Un dernier verre avant la guerre, Sacré, Gone baby gone …) avec « Ils vivent la nuit », roman publié en 2013, nous replongeons dans ce Boston de l’après-Première Guerre pour y retrouver à nouveau la famille Coughlin.

Mais si nous avions laissé Danny Coughlin à son destin de flic désenchanté qui finit par quitter la ville pour fuir sa corruption et s’affranchir de l’omniprésence de son père, c’est sur celui de son frère cadet, Jo, que s’ouvre « Ils vivent la nuit ».

A l’inverse de ses aînés, c’est dans la rue que Joe dessine les contours de son avenir, loin des traces de son géniteur et de son frère qu’il ne veut pas suivre.

Dans ce Boston de la prohibition où les tripots et les bars illégaux pullulent, où l’alcool et le fric coulent à flot, et où les organisations criminelles commencent à tisser leur toile à travers le pays, il y a bien pour lui une petite place à prendre, fut-ce en se contentant de quelques miettes.

 Car Jo n’ambitionne pas de devenir un gangster et de se tailler un nom dans le milieu. Il se fait juste un point d’honneur d’être un hors la loi et de vivre libre de toute contrainte.

Pourtant, c’est bien en braquant le bar clandestin d’Albert White, un parrain local, et en tombant amoureux de sa maîtresse, Emma Gould, qu’il va précipiter son destin et s’écrire une autre histoire.

Car la vengeance de White aura tôt fait de le rattraper. Balancé, arrêté par son propre père et tabassé par ses hommes, Jo se retrouve enfermé dans le pire pénitencier qui soit, celui de Charleston, là même où seront exécutés Saco et Venzetti.

C’est là qu’il va apprendre à survivre, à montrer les crocs. Notamment face à Maso Pescatore, le caïd des lieux, avant que ce dernier ne lui accorde sa protection, n’en fasse son homme de confiance, et ne l’envoie en Floride à sa sortie de prison pour s’occuper de ses affaires.

 Là-bas, c’est un empire qu’il va bâtir. Mais la fin annoncée de la prohibition va remettre en cause bien des équilibres fragiles et précipiter bien des destins.

Initiée avec « Un pays à l’Aube », Dennis Lehane poursuit avec « Ils vivent la nuit » sa fresque sur l’histoire de cette ville de Boston durant la première moitié du XXe siècle, qui condense si parfaitement celle des États-Unis.

Dans ce second opus, c’est au monde des gangsters auquel s’intéresse l’écrivain, durant cet âge d’or de la prohibition qui a tellement nourri l’imaginaire de nombre d’auteurs et de réalisateurs.

Sujet mainte fois exploité donc, et pourtant le talent de Lehane opère toujours. On s’embarque dès les premières lignes dans ce voyage tumultueux, âpre et violent.

Les personnages nous sont immédiatement familiers, et nous vivons leur histoire plus que nous la lisons. Joe est d’autant plus attachant qu’il est intelligent et porte des valeurs inhabituelles pour un malfrat. Il y a de la candeur chez lui.

Si les dimensions sociales et raciales sont toujours présentes comme dans « un pays à l’Aube »  ce second volet de cette grande fresque est un peu plus intimiste.

Au-delà de l’histoire de l’ascension et de la déchéance d’un homme dans l’univers impitoyable de la mafia, c’est aussi et surtout la problématique du rapport au père qu’explore Lehane à travers ses personnages, ce qui les rend humains et poignants. Et celle-ci est omniprésente tout au long du roman.

Ce père, ce policier de renom que Joe a voulu fuir, qui n’hésitera pas à envoyer son fils dans la pire des prisons, mais qui sacrifiera son honneur pour le protéger. Ce paternel auquel on s’accroche une fois celui-ci disparu, à travers un objet reçu en héritage et qui symbolise tout le courage qui fut le sien du temps de sa splendeur.

Elle perdurera encore bien au-delà de sa mort, dans le rapport à son chef mafieux qu’il lui faudra bien affronter, et s’estompera enfin quand les rôles s’inverseront, que Joe finira un jour par s’assoir sur un muret, devant un coucher de soleil, la canne à pêche lancée à l’horizon, assis près d’un fils.

Très belle histoire que celle de cet homme qui se rêvait hors la loi parce qu’il se rêvait libre, qui s’était juré de ne pas ressembler à ces brutes qu’il côtoyait, mais qui comprendra peu à peu qu’il n’y a pas d’honneur ni de morale dans l’univers impitoyable de la pègre, et que pour survivre il n’avait d’autre choix que de devenir lui aussi, un gangster.

6 Commentaires

  1. Harfang

    Bonsoir petite souris,

    En bien il te reste ce monde disparu . et , quand tu auras fini tu seras bien malheureux et tu envieras ceux que n’ont pas encore lu la saga des Coughlin et en plus les petits chanceux ils peuvent avoir toute la saga en un seul volume.

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    • La petite souris

      hé oui, mais c’est toujours le problème avec les grands auteurs, quand tu as lu tous ses bouquins, arrive la frustration de n’en avoir pas un autre à se mettre sous la dent.mais l’avantage quand ils sont encore vivants, c’est de ce dire que rien n’est perdu, un nouveau titre finira bien par sortir ! et là l’exaltation sera à nouveau au rendez vous…..pour un temps 😉

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  2. Florence CHOQUET

    Bon moment de lecture pour moi, j’aime beaucoup Denis Lehane qui est un grand écrivain.

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    • La petite souris

      bonsoir Florence. Je partage tout à fait ton avis, tu t’en doutes à la lecture de ma chronique. Mais comme le fait remarquer un ami à moi dans son commentaire on attend toujours le prochain Lehane ! 🙂

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  3. Vincent GARCIA

    Salut mon mulot, voila une chronique bien tournée, consacrée à cet excellent auteur, que je suis depuis ses débuts avec Kenzie et Gennaro, en passant par les emblématiques Mystic river et Shutter island. J’ai beaucoup aimé également les deux volumes de la série Coughlin. Mon seul regret est qu’il n’ait rien publié depuis quelque temps déjà.
    Un auteur incontournable du roman noir Américain.

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    • La petite souris

      Oh mon Vincent !!!!!!!!!!!! j’ai cru que tu avais quitté le polar pour les romans harlequins ! 🙂 ca me fait plaisir de te retrouver ! Oui c’est vrai que l’on attend toujours avec impatience le nouveau Lehane.Même si tout ses romans ne sont pas toujours de la même qualité, il n’en reste pas moins un grand auteur du noir américain comme tu le soulignes si justement ! A très vite mon ami ! 🙂

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