LA FABRIQUE DE LA TERREUR

27 mars 2020

Roman de

Frédéric Paulin

Édité chez

Agullo

Date de sortie
5 mars 2020
Genre
Policier
Pays de l'auteur
France
Coup de coeur

Si vous êtes un habitué de PASSION POLAR, le nom de Frédéric Paulin ne doit pas vous être inconnu.

Dans le paysage du roman noir français, c’est sans doute la révélation la plus intéressante et la plus marquante de ces dernières années.

Découvert en 2018 avec « La guerre est une ruse » aux éditions AGULLO, cet écrivain passionnant entamait une trilogie qui vient aujourd’hui trouver sa conclusion avec la sortie  de « La fabrique de la terreur ».

Primé à de nombreuses reprises (dont le prix Quai du Polar 2019) l’auteur a vu sa notoriété grandir au fur et à mesure de la parution de ses romans.

Aujourd’hui, de très nombreux médias évoquent et interrogent l’auteur pour qu’il nous parle de ce djihadisme international dont il a fait le thème central de sa trilogie.

Après s’être intéressé dans « la guerre est une ruse », à l’émergence de l’islamisme politique en Algérie qui amènera une guerre civile fratricide dans les années 90, puis à la montée en puissance du terrorisme djihadiste international qui conduira au 11 septembre 2001 avec « les prémices de la chute », c’est aux années Daech et ses conséquences en France qu’aborde « La fabrique de la terreur ».

On y retrouve bien sûr les différents personnages que le lecteur avait croisés dans les premiers volets, même si la vie de chacun a un peu évolué, puisque quelques années sont passées.

C’est le cas de Tedj Benlazar, ancien de feu la DGSE, devenu un retraité bien malgré lui, mis à la marge après ses dernières incartades. Celui-ci se laisse vieillir dans une maison montagnarde à la lisière d’une forêt, hanté par un cauchemar récurrent.

Sa fille Vanessa, elle, est toujours aussi rebelle. Séparée de son compagnon qui a obtenu une mutation pour un lycée de Lunel, elle continue son travail journalistique en free-lance, couvrant ce printemps arabe, né de l’immolation en Tunisie d’un jeune vendeur ambulant poussé au désespoir.

La mèche allumée, le mouvement populaire a très vite parcouru un bon nombre de pays du Maghreb et du proche orient, provocant les révoltes que l’on connait, et le chaos qui s’en est suivi en Libye et en Syrie.

Quant à Laureline Fell , la compagne de Tedj, elle exerce toujours à la DCRI ,dans la région toulousaine, ne pouvant le rejoindre  que dans les rares moments où elle peut s’échapper de son boulot de terrain.

Mais pendant que le monde s’enthousiasme à cette émancipation des peuples qui se fait dans le sang et les larmes, se développent peu à peu les germes d’un cataclysme qui ne tardera pas à exploser à la figure des pays occidentaux.

Pourtant, certains ont vu ce danger insidieux approcher.

Dans son lycée de Lunel, Reif Arnotovic est confronté à la radicalisation de certains de ses élèves qui s’isolent des autres, contestent de plus en plus son enseignement, parlent de départ.

 Le fait est que certains disparaissent du jour au lendemain.

Pour Laureline c’est pire encore. A Toulouse elle traque les groupes salafistes qui s’activent. Elle a l’intime conviction que quelque chose se trame.  Mais quand elle fait remonter à Paris les indices qui s’accumulent, elle n’est pas prise au sérieux.

Sarkozy vient de bouleverser l’organisation du renseignement français déstabilisant les différents services. Seul Tedj la conforte dans son analyse.

Alors elle décide de passer outre les ordres, et de continuer la surveillance de quelques individus, dont un certain Mohamed Merah.

Mais le compte à rebours est malheureusement déjà enclenché.

Ce troisième et dernier opus de cette trilogie est peut-être le plus prégnant, sans doute parce qu’il aborde les attentats qui se sont produits en France et qui ont marqué à jamais notre mémoire collective.

Pourtant, Frédéric Paulin fait le choix assumé de ne pas décrire les crimes de Mohamed Merah ni ceux qui vont suivre quelques mois plus tard.

Nous avons encore la tête remplie d’images et de sons vus sur nos écrans, pour que chacun puisse se représenter ces scènes de carnage, sans qu’il soit utile de tomber dans le voyeurisme facile.

La guerre civile algérienne, le conflit de l’ex-Yougoslavie, les attaques du 11 septembre, la montée en puissance de Daesh, les attentats parisiens ; autant de faits et d’époques abordés dans ces trois opus, qui pourraient pour certains ne pas avoir de lien apparent.

Mais c’est justement parce que le travail d’écriture de Frédéric Paulin est d’offrir à son lecteur une précieuse mise en perspective de cet ensemble d’évènements et de temps différents, qu’il lui en révèle toute la cohérence et la logique qui conduisent à la tragédie.

 Sans parti pris, sans jugement de valeur, à travers ses différents personnages pris dans cet engrenage infernal, Frédéric Paulin questionne aussi l’histoire.

Mais Il donne à comprendre sans pour autant prétendre expliquer.

Qu’est-ce qui pousse un jeune à partir et à mourir pour une cause qui le dépasse ? A boire de l’alcool à joueur au foot avec les copains, à courir les filles un jour, et se retrouver une kalachnikov dans les mains et à vomir la mort le lendemain ?

Certains d’évoquer la misère sociale, la perte de repères, mais tous ne sont pas issus de quartiers défavorisés ou sont au chômage et sans qualification. Y a-t-il seulement une réponse à cette question ?

« La fabrique de la terreur » est peut-être le titre dans lequel le lecteur ressentira le plus d’empathie pour les personnages, même si ces derniers ont tous en partage l’échec.

 Celui d’empêcher le pire pour Tedj et Laureline, à sauver un jeune promis à un destin funeste pour Vanessa, à retenir ses élèves de partir en dérive pour Reif Arnotovic .

 Enfin, l’échec à trouver ce califat tant fantasmer pour ces  de ados de Lunel qui finalement se révèle être un enfer sur terre, à l’image de Wassin et Simon, les personnages les plus significatifs de ce roman.

Car parmi les bourreaux et sanguinaires qui partent rejoindre la Syrie ou l’Irak, bon nombre de jeunes se retrouvent aussi victimes de leurs propres illusions.

La trilogie de Frédéric Paulin fait partie de ces bouquins qu’il faut avoir absolument dans sa bibliothèque. Son écriture associe une documentation très riche de cette période à un sens du romanesque indiscutable qui font de ces trois ouvrages des livres passionnants à lire !

En attendant, il ne fait plus aucun doute qu’aujourd’hui Frédéric Paulin fait partie des tout meilleurs auteurs de romans noirs français.

Un auteur utile à lire.

Liens vers chroniques de :

LA GUERRE EST UNE RUSE

PRÉMICES DE LA CHUTE

4 Commentaires

  1. Faverolle

    Salut mon ami. Tu as tout dit et comme d’habitude formidablement bien dit. Rares sont les auteurs dont j’attendais avec impatience les romans. Ces 3 romans là, ce sont des incontournables pour tous ceux qui ont vécu ces horreurs pour comprendre comme tu le dis, et être plus intelligent. D’autant plus qu’il offre une explication sur la situation actuelle (Syrie, Turquie il y a peu). BIZ

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    • La petite souris

      une trilogie a avoir et a garder dans sa bibliothèque !!! J’ai entendu dire que le prochain thème de son prochain bouquin sera le monde ouvrier ! j’ai déjà hâte de lire ca ! 😉

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  2. Robert PONDANT

    Comme tu as raison mon cher Bruno, j’ai lu le 2 premiers volumes qui m’ont passionné et j’ai hâte de me procurer le 3ème, mais ces cons ont fermé les librairies, oubliant que le virus de la culture mérite d’être contagieux et même co(u)ron(né)a.(Excuse !!!humour Belge).
    J’apprécie vraiment ces romans basés l’histoire geopolitique récente avec toutes les magouilles politiciennes, ce passé qui finalement nous rattrape aujourd’hui.
    Que nous réserve à l’avenir, du point de vue de nos libertés, toutes ces mesures contraignantes justifiées sans doute dans notre interêt général ??????
    J’espère vraiment que tout va bien pour toi et pour toute ta famille .
    Amitiés mon cher Bruno,
    Robert

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    • La petite souris

      Bonjour Mon Cher ami !! Si tu as aimé come moi les deux premiers, tu vas adorer ce troisième opus !!!! tout comme toi j’ai le roman noir surtout quand il touche à la geopolitique, ou à l’actualité recente qui marque une époque. Pour ce qui est des librairies fermées, c’est frustrant en effet, mais en même temps il est normal que nos libraires se partage. Le seul regret de cette histoire c’est que c’est encore l’enseigne au sourire niais qui va encore tirer les marrons du feu ! Prend bien soin de toi mon fidèle ami ! 🙂

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