L’OR DE QUIPAPA

22 mars 2015

Roman de

Hubert Tézenas

Édité chez

Métailié

Date de sortie
5 mars 2015
Genre
Policier
Pays de l'auteur
France

Il arrive parfois que la poisse vous colle à la peau comme une chemise trempée de sueur sous un soleil sud américain.

Prenez Alberico Cruz par exemple. Voilà un homme des plus ordinaires, sans relief et qui conduit le train-train de sa vie sur les rails d’une existence qui ne connait que la morne plaine. Le genre de type anodin que l’on croise tous les jours dans la rue en allant au boulot.

 Son boulot à lui  justement, c’est de louer des appartements et des maisons pour le compte du patron de l’agence qui l’emploie. Un type à bout de souffle dont il sait qu’il ne peut plus se passer de lui pour faire
canne-a-sucre
tourner la boutique. Un job pas très excitant certes,  mais qui lui permet de vivre sans trop avoir à se plaindre.

Au cours de la visite d’un modeste meublé , son client potentiel est assassiné, égorgé dans la salle de bain de l’appartement . Lui, n’a la vie sauve que parce qu’il a eu le temps de se cacher. Pourtant, c’est bien lui qui va se retrouver accusé du meurtre de cet homme,  un certain Policarpo, président du syndicat des travailleurs de Quipapa.

Obligé de fuir, pour Alberico Cruz c’est alors le début d’un cauchemar qui va l’aspirer et le projeter au milieu d’un combat qui oppose les forces vives d’un Brésil qui se modernise, mais dont les fondements sociaux restent encrés dans un système quasi féodal .

Un pays où les propriétaires terriens ont tous les droits, y compris celui de tuer, et les pauvres pour destin , celui de s’user pour un salaire de misère dans les champs de cannes à sucre. Le développement du Brésil
qui a tout misé sur la production du bioéthanol pour garantir son autonomie énergétique est à ce prix.

paysansLe sort du syndicaliste passerait donc rapidement inaperçu , si un journaliste de Recife , Osvaldo Lamenza, qui s’intéresse de près aux Carvalho , richissime famille de planteurs du Nordeste, n’avait eu vent de l’affaire. Ce dernier aura rapidement la conviction de l’innocence d’Alberto, et deviendra pour lui sa seule planche de salut.

Longtemps Hubert Tézenas a traduit les textes et rendu les idées d’autres auteurs.Aujourd’hui sa plume couche ses propres mots, son propre univers littéraire, et c’est de fort belle manière qu’il signe son arrivée dans le paysage du roman noir.

En jouant de phrases et de chapitres courts, en alternant les modes narratifs , l’auteur donne à son roman un rythme soutenu, qui plonge son lecteur dans une réalité encore bien présente au Brésil, celle de la confrontation entre deux mondes et  deux visions de l’avenir, caractérisée par les personnages principaux de ce court roman de 200 pages.

Celui de la ville, tout d’abord,  représenté par  Alberico Cruz, où le brésilien de base peut espérer par son travail et sa persévérance entrouvrir  quelque peu les portes de l’ascenseur social, et profiter des miettes du progrès économique qui dynamise le pays.

Celui de la campagne ensuite , où la terre est confisquées par les grands propriétaires terriens qui règnent en maître et exploitent la misère à leur profit,  où le paysan pauvre n’est qu’une  » pièce », comme peut l’être n’importe quel outil agricole. recolte

La soumission à ces riches planteurs blancs , cupides et brutaux, dont le personnage de  Kelbian Carvalho en est un parfait exemple dans ce livre, est de mise, et l’horizon reste définitivement barré de noir.

C’est dans ce Brésil que vous emmène Hubert Tézenas, sur les trace d’ Alberico Cruz , qui lui aussi va découvrir bien malgré lui ce pays qui est le sien et qu’ il connait finalement si mal.

Vous étoufferez sous l’odeur pestilentielle de la bagasse (résidu fibreux de la canne à sucre qu’on a passée par le moulin pour en extraire le suc)  , découvrirez la misère et de ces quartiers de paysans pauvres, et prendrez la mesure de ces forces contradictoires qui s’affrontent, de cette violence sociale qui perdure dans ce pays en plein essor économique.

A l’heure où les Brésiliens descendent en masse dans les rues pour réclamer plus de justice sociale, un plus juste partage des richesses, le roman d’ Hubert Tézenas arrive à point nommé pour porter un éclairage sans concession sur ce pays qu’il aime tant.

je-commande

2 Commentaires

  1. Olivier Verstraete Radio Cité Vauban (RCV)

    j’ai bien fini sa lecture et c’est une sacrée plongée dans l’abîme brésilien combinant le trafic d’or, l’exploitation des grands proprietaires terriens sur les sans terre et la PM bien loins de ce qu »on peut attendre d’une police. un grand moment qui m’a fait penser à la lecture récente d’edyr augusto,nid de vipères

    Réponse
    • La petite souris

      bonsoir Olivier. Effectivement il s’agit là d’un bon roman qui nous entraîne dans une contrée que nous avons peu l’habitude de fréquenter. Je n’ai pas encore lu Eduy Augusto et pour tout dire je ne connais pas ( encore) cet écrivain, mais qui sait à l’occasion ! 😉

      Réponse

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