Catherine Bessonart, bonjour. Vous publiez cette année votre deuxième roman » La palette de l’ange » aux éditions de l’Aube.
1. Quand on rencontre le succès dès son premier roman, que ce soit auprès de la critique ou auprès des lecteurs, comme ce fut votre cas, cela vous met-il une pression particulière sur les épaules au moment de vous lancer dans l’écriture de votre second livre ?
Le succès rassure, inquiète, répare mais peut miner. Quand ce que j’écris a été lu, entendu, quand une lectrice, un lecteur me contacte, vient me parler, me donne ses impressions, me dit qu’il a aimé, quand une critique (positive) sort, quand un prix vient couronner mon travail, j’ai une sorte de rituel : je ferme les yeux quelques secondes et je me dis : c’est bon, ça répare, je prends ; parfois, il est un peu délicat, voire dangereux de fermer les yeux… alors je m’adapte. Je crois même avoir fermé les yeux, sur scène, à Cognac, mais… ça reste entre nous.
2. Vous comptez plusieurs cordes à votre arc, puisque vous jouez aussi sur les planches et vous êtes scénariste. En quoi votre expérience de comédienne et de scénariste nourrit elle votre travail d’auteur ?
Rien n’est cloisonné, tout interfère sur tout. Le travail de scénariste sans doute sur la construction, celui d’auteur de pièces de théâtre, sur l’épaisseur d’un personnage et celui de comédienne – je ne rends jamais un texte sans l’avoir lu et relu à voix haute, les dialogues en particulier- sur la langue qui doit sonner juste, avoir trouvé sa musicalité.
3. Vous êtes donc une artiste qui s’exprime aussi bien par la voix que par les mots couchés sur le papier. Qu’est-ce que vous apporte l’écriture (et en particulier celle de romans), que ne vous procure le jeu d’acteur ?
Une liberté immense jusqu’au vertige, mais pour cela bien sûr il faut avoir la chance d’être suivi par son éditeur. En ce qui me concerne, c’est Manon Viard, mon éditrice qui me donne, tout en étant présente, cette immense sensation de liberté.
4. Entre la publication de votre premier roman et l’écriture du second, il y a eu la rencontre avec votre public. Celui-ci est-il différent de celui que vous avez l’habitude de rencontrer comme comédienne ?
Les choses ne sont pas si compartimentées que ce que l’on croit. Ce sont parfois les mêmes personnes qui vont au théâtre et aiment lire un polar. Heureusement…
5. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué lors de ces rencontres ?
Le naturel. Quand les gens vous ont lue, ils ont l’impression de vous connaître et c’est merveilleux. Je me recharge énormément lors des séances de dédicaces dans les librairies ou salons. J’arrive de la Foire du livre de Brive-La-Gaillarde, éblouie par la facilité avec laquelle les contacts se sont tissés.
6. Ces salons et festivals auxquels vous avez pris part, ont été aussi l’occasion pour vous de découvrir l’univers des auteurs de polars et de romans noirs. Quelle perception avez-vous eu de ce petit monde dans
lequel vous faisiez vos premiers pas ?
C’est un monde très masculin, dans lequel les femmes commencent à exister. Il a sans doute une compétition, de la concurrence, mais je ne suis pas très douée pour ce jeu-là. On fait tous le même boulot et on est confrontés aux mêmes difficultés.
7. La France est sans doute le pays qui compte le plus grand nombre de salons et festival dédiés aux littératures policières où le public est très nombreux à se déplacer. Mais c’est aussi le pays où le genre policier a encore du mal à être reconnu comme un genre littéraire à part entière. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?
Les étiquettes sont longues à décoller. La littérature policière souffre encore de cette image de littérature de gare dans certains esprits chagrins alors qu’il y a de plus en plus de véritables plumes. Les a priori ont la peau dure mais peu à peu on constate qu’il existe des passerelles entre les genres, par exemple : Et si Notre-Dame la nuit a été sélectionné pour le prix de l’ENS Cachan ; ça laisse penser que les futurs intellectuels et profs de littérature commencent à considérer le genre autrement.
8. Avec le recul, et les témoignages de vos lecteurs, comment analysez-vous aujourd’hui cet engouement du public pour votre premier roman » Et si Notre Dame la nuit » ?
Les nombreux prix que ce livre a reçus m’ont permis de surfer sur la vague et d’atteindre des lecteurs qui auraient pu le laisser passer et puis le bouche à oreille a fonctionné. Par ailleurs les gens viennent me dire qu’ils sont très touchés par l’humanité des personnages.
9. À une époque où le thriller est roi, et domine sans partage les étales des libraires, pensez-vous qu’un roman comme le vôtre qui a su trouver ses lecteurs et qui fait la part belle à la réflexion personnelle et à l’épaisseur psychologique des personnages, témoigne pour une partie du lectorat d’une volonté à retrouver une certaine part d’authenticité dans les romans policiers ?
Je l’espère vivement. Pour moi le polar est la mise en scène d’un pan de vie qu’on ne connaîtra pas tous et c’est tant mieux, mais auquel on pourrait avoir chacun à se confronter : l’impossible résilience !
10. Nombreux sont les critiques littéraires qui rapprochent votre écriture et votre univers de ceux de Fred Vargas. Cela vous agace-t-il ou au contraire vous fait il plaisir ? En soi qu’est ce qui selon vous justement, vous rapproche et vous éloigne d’elle?
C’est vrai que j’ai lu ça, ici ou là. Nous avons toutes les deux des commissaires atypiques, ça vient peut-être de là. Mais nous avons des profils très différents nourris par des cheminements qui nous sont propres : elle est archéologue, chercheuse, je viens du théâtre, du cinéma et de la formation.
11 « La Palette de l’ange » votre second roman, se déroule tout comme votre premier livre, à Paris. Cette ville occupe une place centrale dans votre œuvre. Vous en faites d’ailleurs quasiment un personnage à part entière. Qu’est ce qui émane de cette ville qui fait que vous vous en sentez si proche ?
Paris : l’impossible passion ! Il se passe quelque chose entre cette ville et moi qui relève du « ni avec toi – à temps plein en tout cas, j’essaie de m’échapper de temps à autre – ni sans toi» cela me paraitrait monstrueux. Comme beaucoup de gens qui y vivent, je viens d’ailleurs, je l’ai choisie, il a fallu s’y faire une place, la gagner. Tout me plait ici : la diversité, le brassage des populations, le mouvement, l’architecture, le gris des toits et du ciel et bien sûr la Seine…
12.Dans vos deux romans, ce qui est prégnant également c’est l’univers du religieux. Notre Dame de Paris est au cœur de votre première intrigue, dans le second un prêtre est assassiné dans son église, et le flic, personnage principal de vos deux livres se prénomme Chrétien. Pourquoi cette dimension semble-t-elle si importante dans votre œuvre?
Si la notion de religion est très éloignée de moi en termes de pratique, le spirituel en revanche est au cœur de mes préoccupations, si l’on ne sait pas pourquoi l’on vit, il faut quand même savoir comment s’acquitter de la tâche.
13. Parlons un peu justement de ce policier que nous avions découvert dans votre premier livre et que nous retrouvons dans » La palette de l’ange ». C’est un personnage singulier doté d’une grande sensibilité ce qui est plutôt rare dans le polar, où l’on côtoie souvent des flics souvent bourrus, plutôt machos, et pour certains gonflés à la testostérone. C’était un choix délibéré de votre part de vous éloigner de cette image d’Épinal?
Dans l’écriture on ne contrôle pas tout, il y a bien sûr toujours un peu (beaucoup ?) de l’auteur dans le personnage, mais en même temps je ne pense pas que la sensibilité soit une qualité spécifiquement féminine, c’est donc un choix délibéré. Je ne voulais pas créer un flic alcoolique, cynique, même s’il a son lot de cynisme et qu’il boit un peu trop. Ce qui le distingue c’est la part d’enfance qu’il a gardée, la nostalgie de l’amour perdu et de ses premières années de vie, et aussi un regard plutôt bienveillant sur le monde. Pour moi la bienveillance n’est pas synonyme de la niaiserie. C’est aussi quelqu’un qui a une certaine aptitude à ouvrir des parenthèses, ce qui ne manque pas d’inquiéter Grenelle et Machnel ; il fonctionne beaucoup par associations d’idées qui au fil de l’enquête, se dévoilent aux lecteurs.
14. Dans votre livre vous peignez de lui un portrait attachant et des plus émouvants. J’ai l’impression que vous êtes tombée vous-même sous le charme de ce personnage que vous avez créé, qu’il vous a comme échappé pour mieux vous séduire?
Vous savez j’ai mis de longs jours à me décider sur le choix du prénom qui un jour est tombé comme une évidence. Un athée qui s’appelle Chrétien, c’est un reflet de la vie que, du reste, j’ai toujours trouvée paradoxale. Et pour répondre à votre question plus précisément, je le ferai par une autre question : Qui mène la barque, le personnage principal ou l’auteur ? Ça ferait un beau sujet pour une table ronde.
15. On sent chez lui, notamment dans les passages où est évoquée son ex-femme, beaucoup tendresse, de douceur, voire une certaine sensualité. On dit souvent que l’auteur met toujours un peu de lui-même
dans ses personnages. Il y a de vous dans cette dimension un peu « féminine » de ce policier terriblement humain ?
Quand on rencontre les lectrices/lecteurs, ils vous mettent souvent face à votre personnage ; un lecteur m’a même fait remarquer que Bompard et moi nous avions les mêmes initiales : C.B… ça m’a beaucoup amusée en grande partie parce que cela m’avait échappé. Encore une fois on ne contrôle pas tout dans l’écriture.
16. Dans » La palette de l’ange », vous le mettez donc un peu plus à nu, lui donnant du même coup une plus grande profondeur d’âme. On mesure en même temps un peu plus, ce qui parcourt cet homme. C’est quelqu’un qui semble avoir le plus mal à franchir les différentes étapes de sa vie d’homme ?
Il y a dans sa vie des sortes d’arrêt sur image en particulier sur l’enfance et sur ses années de vie commune avec Mathilde.
17. Chrétien est en quelque sorte un homme des paradis perdus plus qu’un homme de rupture?
Belle définition !
18.Je ne prends pas trop de risque en pensant que Chrétien est un personnage que le lecteur aura plaisir à retrouver dans vos prochains livres?
Je l’espère vivement même si j’ai parallèlement d’autres projets d’écriture, mais tant que Bompard a des choses à dire, il les dira.
19. Avez-vous justement entamé l’écriture de votre troisième roman? Pouvez-vous nous en dire un mot ans en déflorer le mystère?
Oui, oui… Manon Viard attend mon manuscrit avant Noël. On peut dire que le thème central est l’exclusion, sujet malheureusement toujours d’actualité. « Une valse pour rien » sera son titre. Il doit sortir en février. Vous savez tout, Bruno… enfin, presque…
20. Pour finir, quel est le roman policier qui vous a marqué cette année et que vous avez envie de conseiller aux lecteurs de PASSION POLAR ?
Mes lectures ont toujours été éclectiques et mes pôles d’intérêt peuvent sembler éloignés les uns des autres. Je suis franchement réfractaire aux cases, rétive au cloisonnement. Il y a une chose très drôle : depuis que j’ai commencé à écrire des polars, je n’en lis plus. J’imagine que c’est une étape. Sans doute est-ce lié au fait que les enquêtes sur lesquelles je travaille prennent toute le place… en revanche j’ai eu un violent coup de cœur pour le livre de Maylis de Kérangal : Réparer les vivants qui peut être lu comme un polar : au départ il y a une menace qui plane et qui se concrétise. Puis pratiquement une enquête sur les proches de la victime et les personnages impliqués et une course contre la montre qui crée une tension incroyable autour d’un enjeu : est-ce que les protagonistes vont réussir à réparer les vivants ? J’ai lu avec beaucoup de plaisir Vongozero de Yana Vagner qui est de la même façon rythmé comme un polar. J’ai aussi beaucoup aimé Le collier rouge de Jean- Christophe Rufin où le fond et la forme sont parfaitement en harmonie.
Catherine Bessonart, merci beaucoup pour ces quelques moments d’échanges !
Merci infiniment, Bruno !
Je ne connais pas du tout cette auteure et ton interview me donne envie de la découvrir. Je vais ajouter ses titres à ma liste pour le vieux barbu !
il faut absolument lire Catherine Bessonart c’est une plume qui moi me touche beaucoup et j’ai hâte de découvrir son prochain lire ! 🙂
Tu sais combien j’affectionne ce genre d’exercice et je me suis régalé à lire ces questions et ces réponses intelligentes et captivantes. Une découverte que cette auteure pour moi
bonsoir mon ami ! je sais combien tu aimes interwiewer les auteurs, et je sais aussi combien l’exercice est difficile ! merci pour ce compliment qui me touche! Il y aura sans doute d’autres interwiews d’auteurs dans les prochains mois mais certainement de manière très espacée , certainement pas à votre rythme à toi et Richard qui restaient pour moi les spécialistes du genre !:) Par contre siu tu ne connais pas encore Catherine Bessonart alors………oui bon je sais je te l’ai déjà dit, mais là franchement Yvan il te faut VRAIMENT , ABSOLUEMENT découvrir ses romans ! Car je suis sûr que tu les aimeras beaucoup ! Allez, premiere resolution 2015 , je lis un roman de Catherine Bessonart pour faire plaisir à ma copine La Petite Souris ! 😉
C’est trop tôt pour les bonnes résolutions ;-). Mais j’ai noté, j’ai noté !
😉
La petite souris a du goût ! Catherine Bessonart c’est du costaud, du tiré au cordeau,une construction de l’enquête qui tient en haleine un style impeccable, de l’humour et tellement d’humanité. Bonne découverte à ceux qui n’ont pas encore lu les 2 premiers!
ah je vois que tu as lu ses romans et que tu es fan comme moi ! 🙂 Le prochain est pour bientôt !!!!! vivement !! 🙂
Auteure découverte avec « Et si Notre Dame la nuit », un régal. Le suivant faisait déjà parti de mes projets de lecture, mais si un troisième est en cours d’écriture c’est parfait.
un sacré moment de lecture en perspective !
merci pour l’entrevue.
😉
En effet , c’est une chouette interview !
J’aime beaucoup cet auteur découvert grâce à la Petite Souris et l’annonce d’un troisième roman me ravit . Catherine Bessonart est pour moi l’un des meilleurs auteurs de 2014 .
🙂
je partage tout à fait ton avis Françoise !!! 🙂
C’est une auteure formidable. Chacun de ses romans me donne envie de lire le suivant…que j’attends avec impatience! A lire sans modération
bonjour Marie ! Effectivement c’est une auteure remarquable, que pour ma part j’apprécie énormément et avec qui j’ai eu la chance de sympathiser. Elle devrait bientôt sortir un nouveau roman, mais sans Chrétien, son héro, que nous retrouverons dans de nouvelles aventures un peu plus tard ! A bientôt ! 🙂
Merci de m’ajouter à votre liste de diffusion.
Je vous ai découvert à la lecture d’un livre de Catherine Bessonart, « une valse pour rien », que j’ai beaucoup aimé!